VÉRITÉ SUR LA FAMILLE DE TOUSSAINT LOUVERTURE
Par Antonio Rival
Toussaint Louverture est reconnu, sans controverse, comme une personnalité à dimension universelle. Il est même identifié comme général français dans certains documents. Point n’est besoin de souligner que, à l’ étranger, son nom est plus vénéré que celui de Jean-Jacques Dessalines, le Grand ( l’ Empereur Jacques 1er).
Concernant ce personnage historique, de qui Alphonse de Lamartine disait : << Cet homme fut une nation>> et, malgré les nombreuses biographies qui sont élaborées en son honneur, pour quelqu’étrange que cela puisse paraître, il y a des chercheurs qui osent avancer qu’il n’ est pas aisé d’identifier les membres de sa famille à travers l’histoire.
Or, il est prouvé que Toussaint est le seul, parmi les héros de la révolution Haïtienne pour qui les archives et / ou les traditions orales gardent, directement ou indirectement, des traces sur trois continents : l’ Europe, l’ Amérique et l’ Afrique.Pour les études sur le précurseur à travers les grandes universités occidentales versées dans les sciences-sociales, n’ en parlons pas.
Cette contradiction apparente peut être éclaircie. Pour ce faire, il suffit de mettre l’ emphase sur deux exemples pertinents: “Mémoires du Général Toussaint Louverture” ( écrit par lui-même) et “Mon Père, Cet Héros”( écrit par son fils Isaac).
Et de fait, à travers ces deux ouvrages qui nous permettent de bien saisir la quintessence de beaucoup d’événements qui se sont déroulés avant et pendant la révolution, il nous est aussi permis de comprendre que le père et le fils partagèrent un grand défaut: Ils étaient mystificateurs. Ils utilisaient intelligemment la ruse pour cacher la vraie nature de certains faits historiques.
Le père se présentait dans son autobiographie comme un bon mari et un pratiquant catholique très pieux. Dans la constitution de 1801, il interdit le divorce. En réalité, Suzanne Simon qu’il présenta comme sa femme, officiellement parlant, ne l’a jamais été. Car, longtemps avant l’ éclatement de la révolution, il était marié à une autre femme : Cécile. Une loi coloniale, bien avant sa constitution, interdisait le divorce.Les archives ne conservent pour lui qu’ un seul mariage, le premier.
Alors qu’il fit mention de trois ( 3 ) enfants légitimes, l’ histoire ne parle que de six ( 6 ), et la petite histoire, de seize (16 ) illégitimes. Notre héros, d’ après ses contemporains, n’ avait pas une belle prestance, mais il était très courtois, pour ne pas dire très civilisé. Il aimait beaucoup les femmes. Ses conquêtes étaient de toutes les couleurs dans une colonie pétrie de racisme.
Quant au fils ( un vrai révisionniste ), pour parler de sa famille, par jalousie, s’ exprima comme si son démi-frère, Placide n’ y faisait pas partie. Il campa un père extraordinaire avec qui il prétendait avoir les meilleures relations du monde. Ce même père qu’il abandonna au profit de la France, en revenant à Saint- Domingue, en 1802 avec l‘expédition de Bonaparte. Tandis que Placide ( fils utérin de Suzanne et adopté par Toussaint ) se battait au côté de Toussaint contre la France. C’est ce même Isaac qui nous présenta avantageusement un Dessalines mulâtre, officier supérieur de l’ armée de Toussaint, pour faire oublier Jean-Jacques Dessalines, le père fondateur, par le bras duquel son père triompha le plus souvent de ses principaux adversaires jusqu’à sa chute en 1802. Il passa aussi presque sous silence son parent, le général Moïse, qui était aussi intrépide que le futur empereur.
À la lumière de ces exemples, on peut comprendre pourquoi la vérité sur la famille de Toussaint Louverture était occultée jusqu’à la révolution de la communication ( dans son sens le plus large ) aux yeux des historiens et chercheurs qui oublient que l’ histoire est une science explicative et qu’elle va au- delà du simple récit des événements.
Pour une meilleure compréhension de la stature de cet homme né esclave, qui a dominé son temps et dont l’aura continue d’attirer, après plus de deux siècles, l’attention, voici les noms des membres les plus connus de sa famille sur quatre générations.
I- Grands Parents:
• Grand-père: Gaou Guinou ( Soso, selon certaines traditions orales)
• Oncle : Hussar ( le prince héritier qui aurait vendu le père de Toussaint)
II- Parents:
• Père : Hyppolite le Gahou Deguenon ( prince, puis esclave bossale [1720- 1774] )
* Gahou : chef de guerre en langue fon.
• Mère : Pauline Arada ( 1730- 1774 )
• Mère adoptive : Pélagie
III- Frère:
• Paul Louverture ( 1762- 1803 )
IV- Soeur:
• Geneviève Affiba (la mère du capitaine Bernard Chancy )
V- Femme (s):
• Cécile ( première femme )
• Suzanne Simon ( deuxième femme *)
VI- Enfants:
• Toussaint, Gabriel et Marie Marthe ( nés de Cécile )
• Isaac et Saint- Jean ( nés de Suzanne )
VII- Enfants adoptifs:
• Placide ( fils de Suzanne)
• Rose ( fille d’ un couple mulâtre assassiné à Ennery durant la révolution )
VIII- Neveux et nièces:
• Moïse Louverture ( le général que Toussaint fit exécuter ), Charles Belair, Jean- Gaou Louverture, Marie- Paul Louverture, Marie- Jeanne Louverture, Jean- Pierre Louverture, Catherine Louverture, Bernard Chancy ( le capitaine qui mit enceinte la princesse Célimène, fille de l’ Empereur Jacques 1er), Eléonore Chancy, Louise Chancy, etc.
La destinée exceptionnelle de Toussaint Louverture, il n’y a pas à sortir de là, tire ses racines du Dahomey, l’ actuel Bénin: pays situé en Afrique de l’Ouest. Toutefois, il est indéniable que ce sont les valeurs personnelles du personnage, les circonstances de la Révolution Française et de la Révolution Haïtienne, et non son ascendance royale, qui ont fait de lui cet être admiré dans le temps et dans l’espace, en dépit de son comportement quelques fois controversé.
Ce grand homme, peut-être sans l’avoir vraiment voulu, avait rendu célèbres par son nom et son sang, presque tous les membres de sa famille. Et, ce qui est encore plus louable, il transforma certains d’entr’ eux en de véritables héros ( Moïse Louverture, Paul Louverture, Charles Belair, Bernard Chancy, etc. ).
Antonio RIVAL
