Un Prince à Port-au-Prince

Boukan News, 06/16/2025 – Le film Un Prince à New York est l’histoire d’un fils d’un Roi africain, pour éviter un mariage arrangé de ses parents, avait laissé sa Royauté pour s’installer à New York. Là, à Queens, il allait finalement tomber amoureux de la fille du patron. Le gérant d’un “fast food” restaurant.
Dans ce film, le Prince était venu de loin. De très loin. Il venait de l’Afrique pour être finalement en Amérique. Mais le Prince qui était invité pour être à Port-au-Prince ne venait pas de trop loin. Il ne fuyait pas de mariage arrangé. Il n’est pas venu à Port-au-Prince pour trouver l’amour. Cela peut toujours arriver parce que dans ce pays il y a tellement de belles créoles. Il suffit de les croiser et de les regarder dans les yeux, pour sentir un frisson qui traverse tout le corps. Car, même dans cet état de crasse et de misère que se trouve Haïti, il y a encore des Choucounes, du style de Marabou que décrivait Oswal Durand dans son poème.
Bref, pour l’instant, le Prince qui est à Port-au-Prince, en tant qu’un homme d’affaires, s’il est amoureux, ce sont pour des millions. Il aime aussi les armes automatiques. Les Ak 47. Les drones. Mais il n’aime pas les brigands qui dans leurs actes de brigandages kidnappent, violent, brûlent et tuent. En un mot, le Prince est à Port-au-Prince pour des raisons professionnelles et non personnelles.
Durant son séjour, avec des hélicoptères de combat, le Prince va survoler les territoires perdus de la République. Et ensuite les récupérer ou reprendre le contrôle de ces territoires. Comme il n’est pas venu pour faire peur, mais pour instaurer la paix, la sécurité sera restaurée par la reconquête des territoires perdus. Ce qui serait une très bonne nouvelle pour les Port-au-Princiens.
Mais dans l’ensemble, pourquoi le Prince et ses amis sont invités à Port-au-Prince, alors que le pays n’est pas à la fête ? Même si c’est un Prince, mais c’est un étranger, on ne peut pas l’inviter à une ville de Port-au-Prince dans un si mauvais état. Un Port-au-Prince sale. Pourquoi maintenant ? Pourquoi lui ? Et les autres étrangers qui sont au pays depuis le 24 juin de l’année dernière ? Il semble qu’ils n’arrivent pas encore à traquer les brigands dans leurs actes de brigandages ?
Autant de questions sur l’invitation et la mission du Prince à Port-au-Prince. Mais pour comprendre la raison de sa présence au pays, il suffit d’entendre des Port-au-Princiens vous dire que l’envie de rester vivre à Port-au-Prince, c’est cette envie qui fait peur. Plus peur que l’envie de rester.
Ville construite (1749) plus de deux-cent cinquante ans de cela pour les Princes, elle est aujourd’hui prise en otage par des bandits. Dans cette situation, il fait peur de vivre à Port-au-Prince. Mais cette peur n’est autre, qu’une peur de mourir assassiné et ensuite calciné par des voyous assoiffés de tuer.
D’une ville de Princes et de Princesses à celle des bandits, maintenant, même à l’intérieur d’une maison dans des zones de résidences très sélectives où vivent les riches, les plus riches, les ultra-riches…avec des agents de sécurité tout autour, l’insécurité est le lot quotidien de plus d’un.
L’envie de rester vivre à Port-au-Prince, c’est cette envie qui fait peur. Plus peur que l’envie de rester. La peur de voir des tueurs à gage qui, avec le plein pouvoir de décider qui doit rester en vie et qui ne le droit pas, complique le quotidien de tous ceux et de toutes celles qui ne sont pas des gangs et alliés des gangs.
Mais le pire de tout ça, c’est quand le travail d’un agent de police est saboté par des bandits. Par exemple, l’année dernière, avec de maigres moyens et dans des conditions de précarité de travail, des braves agents de forces l’ordre avaient risqué leurs vies pour arrêter et mettre hors d’état de nuire des malfrats dans la société qui, malheureusement, sous peu avaient été libérés par d’autres gangs armés.
À ce stade, le pays est sous le plein contrôle des gangs qui ne respectent pas l’autorité de l’État. Et l’exemple le plus spectaculaire était l’attaque des bandits armés au Pénitencier national le 2 mars 2024. Ce soir-là, en libérant un effectif de plusieurs centaines de prisonniers, pour la plupart des criminels notoires, les bandits défiaient les autorités du système carcéral aussi bien que ceux de l’institution policière.
Donc vu l’incapacité de la PNH, en dépit de la bonne volonté pour protéger et servir la population, désespérées en termes de que faire avec le problème de l’insécurité, les autorités de Port-au-Prince avaient fait appel à ce Prince et leurs collègues pour venir combattre les fils de vipères qui sèment le deuil dans les familles haïtiennes.
Il n’est pas un Prince de paix. Il est tout simplement un Prince qui est venu à Port-au-Prince pour que la peur change de camp. Il est là pour que cette fois-ci c’est dans le camp des bandits que la mort s’éternise.
Prof Esau Jean-Baptiste