Les bandits, nos avatars : comment les élites haïtiennes ont créé un système de bandits d’État
Boukan News, 09/13/2024 – La République d’Haïti, pays né de la première révolution victorieuse des esclaves du monde en 1804, a été confrontée à de nombreux défis. L’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, son père fondateur, en 1806, a posé une question fondamentale : quelle nation voulions-nous bâtir ? Une république où l’humanisme et la justice sociale prévaudraient, et où tous les citoyens auraient les mêmes droits, ou un pays où des individus se regrouperaient dans un espace géographique sans aucune valeur citoyenne ? C’est dans ce contexte que nous allons explorer comment les élites haïtiennes ont créé un système de gouvernance corrompu, qui a abouti à la situation actuelle de crise et de misère.
Le mode de gouvernance que nous avons adopté depuis plus de 200 ans dénote que nous n’avons jamais voulu d’une société digne de ce nom. Nous avons privilégié des visions courtes et une politique favorisant les intérêts personnels, plutôt que le développement économique et social. Nous avons également négligé la création d’un système éducatif performant et d’une gestion efficace de nos ressources environnementales.
Hélas, notre société est devenue une jungle où s’affrontent des intérêts particuliers, dominés par la cupidité et la médiocrité. Les élites au pouvoir ont tracé un cercle autour de leur famille et de leurs alliés, faisant peu de cas des autres, et détruisent tout autour d’eux, même lorsque leur propre existence est menacée.
En effet, notre mode de fonctionnement en tant que société a mis sur pied un modèle de société où les valeurs promouvant le respect du bien public et de la vie des autres ont été travesties. La corruption et le vol sont devenus une philosophie de vie en Haïti, acceptée et même encouragée par les élites au pouvoir.
Le vol de l’argent du fonds Petrocaribe, destiné au développement du pays, a été le point d’orgue de cette corruption généralisée, laissant les Haïtiens dans une misère et une désolation totale.
Notre complaisance a fait de nous des complices, voire des auteurs directs, des pratiques de malversations ambiantes qui ont quasiment détruit notre pays. Nous avons été amenés à vivre dans un environnement où la corruption, les vols, les crimes et les scandales de toutes sortes sont monnaie courante. Nous nous sommes habitués à ce que les dirigeants puissent voler, tuer et corrompre sans être tenus responsables.
Combien de fois avons-nous profité des faiblesses des jeunes filles vulnérables économiquement pour les exploiter en échange de faveurs, d’un job ou d’argent, qui n’est autre chose qu’une forme d’abus ? Combien de fois avons-nous abusé de la confiance de nos amis, parents de la diaspora, en les faisant payer mille fois plus ? Les bandits, en d’autres termes, ne sont pas des entités étrangères à notre société. Ils sont les produits d’un système qui a été créé et entretenu par nos dirigeants. Ils sont les avatars de nos pratiques quotidiennes.
Poitvien Michel