LE COUP DE POKER DE BENYAMIN NETANYAHU A ÉCHOUÉ
“Nullum est periculum non mercedi”
Par Ducasse Alcin
Une page est tournée en Israël. L’homme qui avait dominé l’arène politique pendant près de 15 ans vient d’être évincé du pouvoir. Une coalition, pour le moins hétéroclite, (incluant la droite, la gauche et les arabes-israéliens) a poussé la Knesset à organiser un vote dont l’issu a délivré le coup de Trafalgar à Benyamin Netanyahu.
Guidé par des prémonitions peut-être, il aura tout tenté pour esquiver la destitution. Accusé de corruption et de vente d’influence, il s’est servi de l’arme de prédilection de tous les politiciens futés : la diversion. Projetant l’image d’un homme fort, il s’était emberlificoté dans une politique de doigt sur la gâchette constamment à l’encontre des Palestiniens. Pour eux, il était une bête noire, un Némésis. Même Ariel Sharon, quelque belliqueux qu’il ait été, n’a jamais été autant décrié en Palestine.
Sur le plan international, il offrait l’image caricaturale d’un vrai opportuniste qui dirait ou ferait tout pour s’accrocher au pouvoir. Le plus grand coup de théâtre venait quand il embrassait la politique xénophobe de Donald Trump, quelque chose qui devrait être impensable du point de vue des juifs qui en avaient fait l’horrible expérience sous la férule du nazisme hitlérien.
Pas plus tard que le mois dernier, dans une tentative pour assurer sa survie politique, Netanyahu a joué un dernier coup de poker en engageant l’armée d’Israël dans un énième conflit contre les Palestiniens —- conflit au cours duquel plus de 250 personnes ont perdu la vie, dont la Palestine a payé le plus lourd tribut, avec plus de 230 morts.
Pour beaucoup, il s’agissait d’une guerre délibérément provoquée par Netanyahu dans le but de détourner l’attention des médias qui, jusque-là, ne parlaient que de ses pépins et ses dérives. Au cours de ce conflit qui a duré 11 jours, l’armée d’Israël a fait ostentation d’une force de frappe étonnante lorsqu’un missile quasi silencieux avait pénétré le périmètre d’un immeuble de plusieurs étages qui s’est implosé sous l’effet du choc. Or, il se trouve que cet immeuble abritait plusieurs agences de presse étrangère. Cette action avait provoqué une levée de boucliers contre Israël.
Mais comme le dit ce vieil aphorisme : « Nullum est periculum non mercredi » —–Une citation de Pierre Corneille dans le Cid qu’il a empruntée de Sénèque qui lui-même l’avait utilisée dans une lettre adressée à Lucius. Traduit en français, il veut dire : « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Tout cela pour vous montrer que le jeu ne valait pas la chandelle pour Netanyahu. Car les forces en présence n’étaient pas à ex æquo.
Dans un conflit, chacun poursuit sa propre stratégie. Du côté israélien, le but était de démontrer une image de force, dans le camp palestinien, en revanche, c’était tout le contraire. La stratégie des Palestiniens était de jouer les victimes, pour attirer la sympathie du reste du monde. Et cette stratégie s’est révélée payante. De nombreuses manifestations de soutien s’organisaient en leur faveur à travers le monde. Si, d’un point de vue strictement militaire, Netanyahu pouvait goulûment célébrer cette écrasante victoire, sur le plan médiatique, cependant, il ne saurait sciemment se donner un satisfecit. L’opinion publique était outrée devant les bévues commises par son armée. Comme jamais auparavant, cette guerre a drainé une montagne de critiques vis-à-vis de l’État hébreux.

Donc, loin de voir sa popularité monter en flèche, le premier ministre israélien en est, au contraire, sorti plus vulnérable qu’il ne l’était avant la guerre. L’aura de l’invincibilité qu’il cherchait s’est étiolée. Comme l’avait bien dit Karl Marx : « Chaque homme écrit sa propre histoire même si ce n’est pas toujours de la façon dont il l’aurait souhaité ».
Car, seulement quelques jours après le conflit, sans même lui donner le temps d’en siroter les prémices, la coalition exigeant sa destitution entamait déjà les procédures devant le parlement. Les gens ne se faisaient pas dupes. Ils ont compris que Netanyahu ne travaillait que pour la satisfaction de son ego. La composition de cette alliance en dit long sur le degré de mépris qu’on lui voue, à la suite de ces scandales de corruption qu’il voulait tant obturer. Pour la première fois de son histoire, Israël a vu la droite s’entremêler avec la gauche contre un premier ministre en fonction.

Mais si les Palestiniens pensaient à trinquer les verres pour saluer le départ de Netanyahu, ils devraient réfléchir deux fois. C’est comme éviter un mal pour se retrouver dans un plus grand pétrin. Ils sont loin d’être au bout de leur peine. Leur calvaire ne fait que commencer. Car, celui qui est désigné pour remplacer le premier ministre sortant n’est autre que Naftali Bennett, un ultranationaliste de premier ordre qui, sans doute, va leur en faire voir de toutes les couleurs. Ce qui ne fera que polariser encore davantage le conflit israélo-palestinien, un conflit qui s’est déjà abreuvé de trop de sang dans ce coin de territoire chaud de la planète.
Ducasse Alcin
Nullum est periculum non mercedi
(et non Nullum est periculum non mercredi, ou jeudi pourquoi pas)