L’anomalie de l’ordonnance du juge Voltaire: L’international !
Boukan News, 02/28/2024 – J’ai beaucoup hésité avant d’opiner sur la décision du juge d’instruction, maître Walter Wesser Voltaire…Car, en tant que légaliste, les décisions judiciaires me sont sacrées. C’est ainsi que j’ai toujours encouragé tout le monde à se soumettre aux convocations de toutes les instances judiciaires nationales. Car, non seulement « la justice élève une nation », sans un robuste et un équitable système judiciaire, la nation cessera d’exister. En ce sens, je ne vais pas questionner l’ordonnance en soi, toutefois, je dois avouer ma déception, à commencer par le volume du document.
Je m’attendais à prendre lecture d’une ordonnance exceptionnellement volumineuse sur l’assassinat du président Jovenel Moise, d’au moins de 1500 pages. Quand j’ai réalisé que le document contenait seulement 122 pages, c’est définitivement trop condensé !
Il s’agit de l’assassinat du président d’une république de plus de 200 ans d’histoire active. Ce n’est pas un fait divers, cela requiert une enquête extensive !
D’abord, il faut considérer l’ampleur du crime et les contingences qui l’entourent. Sans oublier d’appréhender le message envoyé par les assassins en se basant sur la mutilation du cadavre. Il ne s’agit nullement du résultat d’enquête d’un coup d’État classique qui se solda par l’exécution d’un président. C’est-à-dire, lorsque l’armée régulière, manipulée par des forces économiques, sociales, politiques, culturelles, idéologiques ou internationales, utilise les armes pour renverser un pouvoir établi, légitime ou pas. Ici, on parle d’un groupe de mercenaires venus d’un pays tiers, la Colombie, qui prit d’assaut la résidence du chef de l’État Haïtien, apparemment sans aucune forme de résistance de la part de la garde présidentielle, pour l’exécuter. Nous sommes en face d’un crime transnational qui implique la participation des étrangers et d’au moins 3 pays : Colombie, Etats-Unis, République Dominicaine…dans son exécution à travers un complot ourdi par des nationaux.
Pour moi, cet aspect est beaucoup plus fondamental que les comploteurs Haïtiens qui exécutaient le forfait. Le problème avec ce genre de crimes, c’est qu’il a ouvert une « boîte de pandore » dangereuse ayant la capacité de remettre en question tout le système international relié à l’exercice du pouvoir politique. Encore plus dans les pays pauvres, ou l’État est chancelant, un système démocratique défaillant…et avec une tradition politique fortement marquée par la déstabilisation chronique. Ce qui peut entraîner une transmutation profonde dans la théorie de la praticabilité du pouvoir à partir d’une approche moderne axée sur l’alternance pacifique et démocratique. Il s’agit-là d’une évolution radicale, très loin du concept initial de l’État de droit, antérieurement accepté par tous.
Désormais, avec la participation des mercenaires colombiens dans l’assassinat du président Haïtien, Jovenel Moise, en plein cœur de l’Amérique, soit de 90 miles, là où subsiste l’exemple à suivre de la démocratie libérale. Cela fait couler une sueur froide et traduit une nouveauté effarante. Désormais, aucun régime politique tiers-mondiste n’est à l’abri de la gloutonnerie des classes traditionnelles de pouvoir d’état et de l’influence du grand capital financier international. On a déjà vécu cette réalité en Haïti, ou cette alliance obscène locale/internationale mit fin à la première expérience démocratique d’Haïti, un jour du 29 septembre 1991.
Cet aspect de l’assassinat du président Jovenel Moise devrait être la priorité du juge d’instruction. La magnitude du crime dépasse les limites traditionnelles qui consistent à punir les perpétrateurs, qu’en est-il des financiers et les bénéficiaires politiques et économiques. Il fallait profiter stratégiquement de cette récente opportunité pour fermer une fois pour toute ce chapitre macabre dans ces genres de pratiques politiques dans l’hémisphère américain. En sévissant durement contre ceux qui planifiaient, finançaient et exécutaient le crime !
J’aimerais bien voir le juge d’instruction entreprendre une série d’interrogations qui arpentent d’autres contours du crime politique organisé. « L’organisation des Etats Américains-OEA » devrait être inclus dans le processus d’investigation. Car, l’assassinat de Jovenel Moise constitue un acte d’obstruction et de déstabilisation de la « Charte Démocratique », donc de la gouvernance politique dans toute l’hémisphère. Toutefois, je dois ajouter un bémol, prendre part active ne signifie aucunement de s’emparer du dossier, l’enquête doit rester haïtienne.
Même « l’organisation des Nations Unies-ONU », en sa qualité d’instance mondiale, surtout apres l’adoption des « Objectifs mondiaux » adoptés en 2015, devrait se préoccuper de l’assassinat du président haïtien. Car, cet acte néfaste a plongé la république d’Haïti dans une situation de désorganisation socio-économique telle qui l’éloigne plus loin encore de « l’appel mondial à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité d’ici à 2030 ». Du 7 juillet 2021, la date du crime contre le président, a aujourd’hui, les choses s’empirent vertigineusement, les statistiques de Nations-Unies le prouvent bien. L’ONU vient de déclarer que 4700 personnes furent tuées au cours de l’année 2023, plus de 2500 kidnappées et 150.000 autres ont été contraintes d’abandonner leurs maisons.
Le Programme de Développement des Nations-Unies a été on ne peut plus clair à travers son évaluation de la situation en Haïti : « De 2017 à 2022, Haïti a connu une série de crises multidimensionnelles. En cette période, le pays a connu l’assassinat du Président et a connu six Premiers ministres successifs Des ministres, chacun restant en fonction neuf mois en moyenne. Le combiné impact de l’affaiblissement de la cohésion sociale et des enjeux politiques, économiques, sanitaires, institutionnels, Les crises constitutionnelles, sécuritaires et naturelles ont aggravé une situation humanitaire déjà complexe. Situation. En 2021, plus de 4,4 millions de personnes, soit environ 40 pour cent de la population (dont 57 pour cent de femmes) dépendaient de l’aide d’urgence pour leur survie. Le 14 août 2021, un séisme de magnitude 7,2 a frappé la péninsule sud d’Haïti, de même les zones se remettent encore des ravages causés par l’ouragan Matthew en 2016. Les besoins en matière de rétablissement ont été estimés à 2 milliards de dollars. Le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire est passé de 4,4 millions en 2021 à 4,9 millions en 2022, soit environ 43 pour cent de la population, dont 58 pour cent sont des femmes. Le taux de participation des femmes à la prise de décision reste très faible, notamment au niveau central. Lors de la dernière législature, les femmes détenaient seulement trois sièges au Parlement. Intégrer le genre dans les politiques publiques et mettre en œuvre actions positives et autres politiques visant à promouvoir l’égalité des sexes et une profonde transformation reste nécessaire ». L’international, pas seulement le gouvernement américain devrait s’intéresser à ce que toute la lumière soit faite sur l’assassinat brutal du président Jovnel Moïse.
Joel Leon