La République des « Malandren » et ses multiples dérivés

La République des « Malandren » et ses multiples dérivés

 

Par Réginald Châtelain

 

Québec, Canada 3/27/2022 – Un certain sénateur de la République eut à déclarer un jour : « li pa janm wè yon peyi pwodwi malandren konsa ». Quelle triste vérité !Cette affirmation aurait été parfaite si le sénateur en question avait pris le soin de mentionner qu’il en était l’exemple vivant, l’honorable représentant de sa génération. On en a ri au lieu d’en pleurer. Comme à l’habitude.

On se pose souvent la question : mais comment on en est arrivé là ? On doit se demander aussi : qu’avons-nous fait pour ne pas en arriver là ? Qu’avons-nous fait pour ne pas mériter ce profil de dirigeants-bandits-corrompus-voleurs-criminels-trafiquants de drogue ?

Je ne m’attarderai pas sur cette réponse simpliste et mensongère qui consiste à dire que tout le monde est coupable dont l’objectif clair est de déresponsabiliser les vrais coupables en les noyant dans l’anonymat de la foule. Les coupables ont des noms et il faut avoir le courage de les identifier pour les dénoncer.

On a maintes fois commis l’erreur de mettre le projecteur seulement sur les acteurs principaux. On oublie trop souvent que ces gouvernements n’auraient pas survécu autant d’années s’ils n’avaient pas trouvé autant de bras pour les servir. Autant de complices à différents niveaux de l’appareil de l’État et dans divers secteurs de la société civile. Sinon ce système pourri n’aurait pas eu la capacité de se reproduire jusqu’à s’enraciner.

Il est vrai que les piliers qui ont servi de base solide pour asseoir les valeurs de la société se sont effondrés au fil du temps. La famille et l’école particulièrement. Il convient de mentionner également l’incompétence et l’irresponsabilité des uns, le silence et l’indifférence des autres. La passivité voire un mutisme inquiétant d’une fraction importante de la société. Nous avons développé cette forme de solidarité malsaine à se protéger dans le mal. Du genre “je wè bouch pe/kache fèy kouvri sa“.

Mais revenons à nos « malandren ».

Il existe un prototype qui s’est démarqué du lot et qui mérite une attention particulière. Parce que les méfaits qu’ils causent à la société sont largement sous-estimés mais tellement dommageables qu’il faudra longtemps pour réparer les dégâts. Tant par le message qu’ils véhiculent que par le modèle qu’ils représentent pour les jeunes. Je veux parler des « malandren » de la classe politique. Opposants aujourd’hui, collaborateurs le lendemain, caméléon-flatteurs, sans moralité, sans conviction, sans position, sans honte, sans scrupule, sans vergogne, sans colonne vertébrale…aussi plats qu’un paillasson. Ils ne sont motivés que par la recherche de la satisfaction des intérêts personnels mesquins aux dépens du bien-être de la population. La prolifération s’est accélérée à un rythme effrayant ces dernières années jusqu’à atteindre un niveau inquiétant. On dirait que les « malandren » de la prochaine décennie sont déjà parmi nous.

Il existe également ce profil de « malandren » de l’élite dite intellectuelle qui utilisent leur plume comme tremplin pour se faufiler dans certains milieux ou pour accéder à des postes de haute gestion de l’État. Prenons l’exemple récent de cette écrivaine qui a utilisé le roman comme véhicule pour dresser un portrait ô combien réaliste des conditions inhumaines dans lesquelles vit la population des bidonvilles, le désespoir, l’insécurité, la loi des gangs armés. La réalité a même dépassé la fiction, constate-t-elle. Mais qui pourtant s’est mise au service de ces mêmes pouvoirs corrompus et criminels, responsables en grande partie de la situation qu’elle prétend dénoncer…jusqu’à devenir leur ministre. L’incohérence flagrante entre les écrits et les actions. La stratégie indécente du double jeu.

Que dire de ces malandren du Parlement, principal refuge pour voyous, ignorants, criminels, repris de justice, trafiquants de drogue ? Et les malandren de l’élite économique, ces pirates rescapés-faiseurs de pouvoirs qui s’enrichissent de corruption, de commerce illicite, de trafic de drogue, de kidnapping et qui financent la mort dans les quartiers populaires à Martissant, Bel[1]air, la Saline, Cité soleil, Grand Ravine, Village de Dieu… ? Et les malandren des médias qui “vendent” leur micro aux plus offrants ?

Sans oublier les malandren de la diaspora qui ne veulent plus rester sur la touche et les malandren de l’international réunis sous l’appellation « Core Group » qui veulent nous maintenir dans cet état de délabrement et de mendicité.

Tous aussi dangereux les uns que les autres.

 Que faire pour mettre fin au règne de ces malandren de toutes sortes qui n’arrêtent pas de nous enfoncer tête première dans la merde ? Comment renverser la tendance ?

Je propose de commencer par des gestes tout simples pour montrer à ces malandren qu’ils sont des êtres répugnants et non fréquentables. Ne pas répondre à leurs salutations en public. Ne pas leur serrer la main quand ils vous tendent la main. Les arrêter à distance quand ils font le geste pour vous embrasser. Se lever immédiatement s’ils veulent se joindre à votre table au restaurant ou ailleurs. Ne pas leur ouvrir la porte s’ils viennent frapper chez vous. Décliner toutes invitations de leur part en vous assurant de leur faire comprendre la raison du refus.

Je prône la mise en place d’un registre national public de malandren pour que la nation se souvienne de ces noms qui ont servi et soutenu ces régimes-corrompus-sanguinaires et qui pourra servir de référence au moment de la construction de la nouvelle Haïti qui naîtra un jour ou l’autre.

Autrefois, un voleur avait honte et c’est lui qui baissait la tête pour éviter de croiser le regard méprisant des habitants du quartier ou de la section communale. Aujourd’hui, le voleur ou le criminel est arrogant et circule fièrement au vu et au su de tous et de toutes. Il est même invité dans les salons.

Il nous faut développer cette intransigeance voire cette radicalité quand il s’agit de défendre les vertus et les valeurs morales qui caractérisaient notre société et nous servaient de boussole.

Il nous faut retrouver cette verticalité qui faisait de nous ce peuple digne et fier.

 

Réginald Châtelain

photo: Nouvelliste

One comment

  1. […] Annatandan, jou dechoukay òdone sa a rive, men kèk konpòtman konpatriyòt Réginald Châtelain, yon pitit Ayiti k ap viv Kanada, rekòmande chak bon Ayisyen adopte anfas bandi rejim sanginè PHTK yo : « Pa reponn lè yo salye ou kote ki gen moun. Refize ba yo lamen. Bloke yo sou kous yo sizoka yo louvri bra yo kòmkwa yo ta vle kwoke ak ou, ba ou akolad. Leve rapid vit si yo fè jès kòm si yo ta vle vin chita kote ou nan restoran»…. Se yon veritab kanpay «Kanpe Lwen Malandren» otè a pwopoze nan «La République des « Malandren » et ses multiples dérivés».  […]

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