Je suis humain, et vous ?
« Si vous ressentez de la douleur, vous êtes vivant, si vous ressentez la douleur des autres, vous êtes un être humain. », écrit Léon Tolstoï
Boukan News, 11/16/2024 – Je n’écris pas pour écrire. Comme l’artiste qui peint ou le musicien chanteur, compositeur qui chante l’injustice et l’inégalité, moi aussi, j’écris pour me plaindre de l’ingérence de l’international dans les affaires internes de mon pays. Avec amertume, j’écris de la souffrance, de l’injustice, de l’inégalité sociale que vit des masses défavorisées aussi bien que des massacres à répétition dans des quartiers populaires dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et dans des villes de provinces.
J’écris aussi pour dénoncer l’exploitation à outrance de mon peuple par une oligarchie locale. En un mot, j’écris pour dénoncer ce que je vois, exprimer ce que je sens et, ce que je comprends. Je souffre, donc j’écris. Et certaines fois avec frustration.
À rappeler, la souffrance n’a pas de couleur, de classes sociales, ni économiques. Elle n’a pas non plus de sexe, de croyance, de religion, de nationalité, de niveau académique et de pouvoir politique. La souffrance est la même pour tous. Elle est universelle. Donc, quand le monde souffre, je ressens de forte douleur. Et quand c’est un Haïtien, je me sens déprimé, dévasté etc.
Malheureusement c’est depuis des décennies que je souffre de la souffrance au quotidien de mon peuple. Puisque d’une souffrance en gît une autre qui, dans bien des circonstances, est plus douloureuse que celle d’avant, donc vu la souffrance constante des Haïtiens, dans mon cas, je vis constamment d’un chagrin qui s’exprime dialectiquement entre sanglots et larmes.
Dans l’Haïti indépendant, mais dépendant de l’international, la population continue de vivre au quotidien des moments difficiles d’une vie de misère imposée par une oligarchie locale rapace et mafieuse. Et aujourd’hui encore, dans le processus d’une transition démocratique qui n’en finit pas, plus que cela change, plus c’est la même chose. Au lieu d’être une source d’inspiration sécuritaire pour la population, les autorités politiques continuent de faire de la promotion de richesse illégale pour les oppresseurs de la classe économique et de certains hommes de la faune politique du pays. Ils se battent pour des fonctions régaliennes qui, au fond, ne régalent à rien.
J’étais jeune, mais déjà, j’avais compris la souffrance de ce peuple martyr. Je souffrais dans le temps. À travers le temps, j’ai vu souffrir pendant des jours, des mois et des années des compatriotes haïtiens. Et aujourd’hui encore, rien n’a changé. Les gens souffrent. Au point que, tant de vies sont gaspillées dans le gaspillage du temps des politiciens gaspilleurs.
Gaspilleurs de vies et de rêves, le riche et le pauvre sont égaux devant la mort. Même le pouvoir à vie est éphémère. Et la souffrance, c’est cette langue universelle que parle au quotidien l’être humain. C’est, en quelques mots, « avoir sa part de souffrance » dans un monde fait de dissension des uns et de différent des autres.
De l’antiquité au monde contemporain, tout au long de l’histoire de l’humanité, tout en faisant souffrir d’autres, certains hommes prennent toujours plaisir à commettre des massacres, des exécutions sommaires, des actes de torture, des viols, des pillages pour, finalement occuper des territoires. Et, « lorsque cela se révèle nécessaire, de s’emparer de nouveaux territoires ou d’occuper ceux abandonnés par l’ennemi ».
Au point que, dans leurs dominations égoïstes et démoniaques, ils rendent invivable la vie de beaucoup. Et ce qui, contrairement à l’ancien Archevêque de San Salvador Oscar Romero qui faisait l’option préférentielle des pauvres et du Révérend Père Gustavo Gutiérrez qui croit dans l’amour des autres, ces oppresseurs, dans leurs âmes méchantes, ils n’ont pas de cœur. Ils n’ont pas de place pour le partage et l’amour du prochain.
Ce qui, face à l’atrocité aveugle des méchants, il y a toujours, malheureusement des innocents qui, constamment, versent des larmes sans pour autant obtenir de l’aide de personne. Aujourd’hui, la peur s’abat sur Haïti. Et ce, en dépit des accords de sortie de crise et d’une force étrangère de sécurité, le pays est plongé dans le chaos de la violence et d’instabilité politique. Peur de cette peur qui fait peur de rester vivre en Haïti, c’est cette peur qui ne fait que s’accroître et inquiète chaque jour.
La peur de voir des tueurs à gages qui avec le plein pouvoir de décider qui doit rester en vie et qui ne le droit pas, compliquent le quotidien de tous ceux et de toutes celles qui ne sont pas des gangs et des alliés des gangs.
Il y a aussi cette peur d’être le témoin impuissant de tant de vies gaspillées en quelques minutes. Tant de rêves assassinés dans un pays où la mort s’éternise au quotidien. Tant de vies sont fauchées, déroutées par les balles des vauriens et les griffes maléfiques des vautours et des bandits. Définitivement, ce n’est pas facile de vivre dans ce pays où les vivants vivent difficilement l’absence de leurs proches qui, malheureusement, avaient été assassinés dans les brigandages des gangs armés
Autorités, bien entendu, s’il en reste, la peur doit changer de camp. Moi, je vis, je comprends et je ressens la souffrance des autres, tout simplement parce que je suis humain. Et vous, hommes politiques et classes d’ affaires ?
Prof. Esau Jean-Baptiste