Haïti-République Dominicaine : Entre crise humanitaire et dérive sécuritaire — L’appel du Vatican à la conscience internationale

Haïti-République Dominicaine : Entre crise humanitaire et dérive sécuritaire — L’appel du Vatican à la conscience internationale

Jean Rathon Gelin

Boukan News, 06/12/2025 – Le Vatican News a tiré une fois de plus la sonnette d’alarme sur la situation précaire des ressortissants haytiens en République Dominicaine. L’agence de presse du Saint-Siège dénonce, avec la gravité qui sied à sa tradition diplomatique, des rafles massives et des expulsions arbitraires de migrants haytiens, souvent réalisées sans ménagement, sans respect de leurs droits fondamentaux, et en contradiction flagrante avec les conventions internationales ratifiées par la République Dominicaine elle-même. Le pape François, fidèle à sa vocation prophétique, ne cesse de plaider pour un humanisme intégral dans les relations internationales, particulièrement lorsqu’il s’agit de populations vulnérables comme celle d’Hayti.

L’effondrement haytien et ses répercussions régionales

Hayti, aujourd’hui otage de gangs lourdement armés et d’une vacance prolongée de l’autorité publique, est à la dérive. Ce n’est pas une nation en transition, mais une société en lévitation, sans cap, sans arbitre légitime, sans système judiciaire fonctionnel. L’anomie généralisée qui en découle a contraint des centaines de milliers d’Haytiens à chercher refuge au-delà de leurs frontières, principalement en République Dominicaine.

Cependant, l’exil haytien se heurte de plein fouet à la montée d’un nationalisme sécuritaire dominicain. Sous couvert de régulation migratoire, les autorités dominicaines mènent des opérations souvent violentes, sans considération pour les droits de la personne humaine. Des familles sont fracturées, des enfants déportés sans leurs parents, des malades expulsés sans traitement. Le droit à la dignité est bafoué dans l’indifférence quasi générale des grandes puissances et des institutions régionales.

Violation des conventions internationales

La République Dominicaine est signataire de plusieurs traités internationaux qui encadrent les droits des migrants, notamment la “Convention de 1951 relative au statut des réfugiés”, le “Pacte international relatif aux droits civils et politiques”, ainsi que la “Charte de l’Organisation des États américains (OEA)”. À cela s’ajoute la “Convention interaméricaine contre le racisme”, qui devrait prémunir contre les dérives xénophobes ciblant une population spécifique.

Or, les pratiques dénoncées par “Vatican News” – détentions arbitraires, expulsions collectives, absence de recours juridique pour les victimes – sont autant de violations manifestes de ces instruments juridiques. Le discours officiel dominicain invoque la souveraineté nationale, mais celle-ci ne saurait servir de paravent à des pratiques contraires au droit international humanitaire.

Le rôle historique et moral du Vatican

La voix du Vatican, dans ce contexte, n’est pas simplement religieuse : elle est éminemment politique. Elle invite à une relecture des responsabilités collectives face à une tragédie qui dépasse Hayti. En rappelant à la communauté internationale ses obligations morales et juridiques, le Vatican tente de rompre l’apathie globale qui entoure le drame haytien. Car la détresse haytienne n’est pas un simple fait divers migratoire : c’est une question de justice internationale, une interpellation à la solidarité humaine, et une mise à l’épreuve de l’ordre global.

Pour une diplomatie de reconstruction et une solidarité transnationale

L’appel lancé implicitement par : “Vatican News” est aussi une invitation à repenser la diplomatie régionale. L’Union européenne, l’Union africaine, la CELAC et même la CARICOM doivent sortir de leur silence stratégique et proposer un “plan Marshall caribéen pour Haïti”, qui conjugue assistance humanitaire immédiate, renforcement institutionnel durable, et reconstruction économique inclusive. La République Dominicaine, pour sa part, gagnerait à s’engager dans une diplomatie migratoire fondée sur la coopération bilatérale plutôt que sur l’exclusion unilatérale.

Il faut rappeler que l’histoire des deux Républiques, née sur la même île, est marquée par des traumatismes croisés, mais aussi par des moments de solidarité. Réécrire cette histoire à partir d’une nouvelle éthique de la coexistence est à la fois un devoir moral et une nécessité géopolitique.

Haïti, miroir du monde

Hayti n’est pas seulement un pays en crise. Il est devenu le miroir de l’échec collectif de la communauté internationale à prévenir l’effondrement d’un État et à protéger ses citoyens. L’indifférence actuelle scelle notre propre faillite morale. En appelant à la responsabilité, *Vatican News* ne fait pas qu’accuser : il convoque les consciences. Il est temps que l’humanité, au-delà des slogans, réponde à cet appel avec l’audace politique et la compassion active qu’exige la situation.

Jean Rathon Gelin 

Dominicanologue, polyglotte ,Diplomate de formation, expert en histoires Caribéenne et latino-Américaine

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