Haïti, quel gaspillage !

Haïti, quel gaspillage !

Joel Leon

Boukan News, 08/16/2023 – Haïti a pris naissance comme le chantre de la liberté. Le colonialisme voit en cette nouvelle république une menace qu’il faut absolument boycotter. Ainsi, « Thomas Jefferson, le troisième président américain faisait de l’indépendance d’Haïti un sujet personnel qu’il jurait de détruire par tous les moyens. À ses yeux, la nation naissante était une impertinence, une vague tumultueuse au milieu d’un océan colonial si tranquille. Ainsi, George Logan, sénateur de l’État de Pennsylvanie, introduisit une loi réclamant un embargo commercial contre Haïti, spécialement au niveau des armes. La loi fut approuvée en 1806 sous la présidence de Thomas Jefferson. Et, les États-Unis attendirent jusqu’en 1862 pour reconnaître Haïti comme un État souverain à part entière ».

L’ancienne métropole, la France, battue et humiliée militairement à Vertières, le 18 novembre 1803, orgueilleuse comme elle seule, n’a pas attendu longtemps pour se venger d’Haïti. « En 1825, la France imposa une indemnité à Haïti, via une ordonnance, pour reconnaître son indépendance au prix de 150 millions de franc-or, ce qui équivaut aujourd’hui à 22 milliards de dollars américains. Haïti a mis 125 ans, soit en jusqu’en 1952, pour éponger finalement cette dette insupportable, ce qui a considérablement perturbé son développement économique et le progrès social ».

Le comportement hostile des puissantes nations de l’époque empêchait Haïti de grandir pleinement pour poursuivre sa chevauchée historique de libérateur. Cependant, Il faut accentuer aussi sur le comportement vassal des élites politiques et économiques haïtiennes dans leur mission de bâtir une nouvelle nation sur un modèle différent.

(Christian Science Monitor)

D’abord, Haïti est une république qui a pris naissance dans la violence colonialiste/esclavagiste/raciste et par la violence révolutionnaire. John Lewis parlait de « Good trouble, necessary trouble » pour justifier sa rébellion contre le système d’apartheid qui battait son plein aux Etats-Unis dans les années 1950-1960. La violence de libération nationale appliquée par les Haïtiens pour sortir du joug de l’esclavage a été « a good violence », une violence nécessaire qui répondait à celle des colons. Et, Frantz Fanon l’a magistralement exprimé à travers ce cri, à savoir que « Le colonialisme n’est pas une machine à penser ni un corps doué de raison, c’est la violence à l’état nature, il ne s’inclinera que devant une plus grande violence ». C’est exactement ce qu’avait fait Jean Jacques Dessalines, il délivra une violence effroyable qui dépassait l’imagination de Napoléon Bonaparte. Toutefois, la violence a ses limites !

On ne construit pas une nation par la violence. Elle est tout simplement un moyen, parfois indispensable, pour renverser ou transiter d’une réalité à une autre. Mais, le lendemain du succès, la violence doit être déposée pour faire place à l’administration, l’économie, la science, la culture, l’éducation… Car, « la révolution commence un jour après la célébration de la grande victoire » !

Jean Jacques Dessalines

Le péché de la génération de 1804 c’était d’avoir conservé la violence dans leurs rapports au quotidien. L’assassinat du fondateur de la nation, Jean Jacques Dessalines, est l’acte abominable et excessif qui allait enfermer la société haïtienne dans l’enfer de la violence. Ne pouvant plus violenter les colons, parce qu’ils n’existaient plus à partir de 1804, ils l’exercent contre eux-mêmes. Ils s’entretuaient froidement pour le pouvoir et la terre.  Ils firent des alliances avec l‘étranger pour se débarrasser de ses congénères. Qu’en est-il des liens qui existaient pendant la guerre de l’indépendance, un élément indispensable qui favoriserait le ralliement des anciennes victimes de l’oppression coloniale à se mettre ensemble pour définir une autre société.  Après des décennies de pratiques brutales, la violence devient la norme. Elle s’institutionnalise et met en déroute toute approche démocratique et pacifique qui garantit la stabilité, élément essentiel à la croissance économique et au perfectionnement social.

Depuis lors, Haïti est prisonnière de la violence qui marche de pair avec la corruption. Les événements de cette dernière décennie qui font souffrir tout un peuple sont les reliquats des pratiques outrageuses perpétrées à partir de 1986. Car, on est passé de la violence institutionnelle d’état, imposée par la dynastie duvaliérienne, à une autre forme de violence libre. Par exemple, le supplice du collier exercé contre les anciens petits serviteurs du régime déchu, les « déchouquages » intempestifs à chaque départ forcé d’un président, les coups d’état violents des militaires, particulièrement celui du 30 septembre 1991, le renversement d’Aristide par des rebelles armés en 2004…ouvrent la voie à la multiplication des gangs que l’on constate aujourd’hui sur tout le territoire national.

La violence ne paie pas. Elle déstabilise. Cet héritage daté de l’assassinat de Dessalines a fait école et s’installe chez les classes dirigeantes, notamment, les politiciens et les bourgeois. Tous les chefs de gangs qui opèrent dans les quartiers populaires, au départ maintenaient des relations étroites avec les politiciens et les hommes d’affaires de la place. C’est le cas de Jimmy Cherisier, dit « Barbecue », il était à la solde de Reginald Boulos, de Youry Latortue…Les bandits de « Gran ravine » et de la « cité de Dieu » furent au service de Michel Martelly, puis de Jovenel Moise, ceux de la « base Pilate » avait des ramifications avec le régime lavalas, les hommes armés de Bel-Air opéraient étroitement avec Nenel Cassy et de Reynold Deeb…En fin de compte, ces groupes survivaient pendant longtemps à partir de la manne financière provenant des hommes d’affaires et des politiciens.

Aujourd’hui, on a l’impression que ceux qui avaient initié le phénomène des gangs dans le pays ne sont plus en contrôle. Presque tous les hommes d’affaires prennent refuge en Floride, les hommes politiques impliqués qui restent au pays, ils gardent un profil bas.  Car, eux aussi sont exposés à la violence systématique qui, désormais n’épargne personne.

Ariel Henry

La république d’Haïti est un gâchis. Pourtant, les libéraux de l’époque virent la jeune nation comme un phare qui allait libérer l’humanité de l’oppression. On a passé nettement en dehors de cette mission historique. La présence d’Ariel Henry au pouvoir est la justification palpable du rejet de notre tâche libératrice.  Les événements sanglants de Carrefour-Feuilles viennent de mettre à nus l’incompétence des dirigeants actuels de l’État. En fait, ils sont considérés comme démissionnaires. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lui-même coupable aussi du pourrissement de la situation, déclarait la semaine dernière que l’équipe au pouvoir est composée d’une bande d’incompétents.

Le gaspillage se poursuit, cette fois-ci avec la participation des Natios-Unies !

Joel Leon

One comment

  1. Quelle sombre image de notre pauvre pays et pourtant riche de resources naturelles.
    Toutefois, il ne faut pas oublier le rôle que les US sont entrain de joueur actuellement dans la descente aux enfers d’Haiti.

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