Haïti, le Cimetière Béant des Caraïbes !
« Le langage politique est conçu pour que les mensonges paraissent vrais et les meurtres respectables, et pour donner du vent l’apparence de la solidité. ». George Orwell
Par Joel Leon
Une minute ne passe sans qu’un corps ne s’écroule sous les balles assassines d’un caïd de la place. On dit que « chaque jour est un nouveau jour », en Haïti, tous les jours sont les mêmes. Il n’a aucune différence, la même lugubre répétition, des cadavres jonchant la chaussée à n’en plus finir. Les tueurs sont inextinguibles, ils ne chôment pas, ils kidnappent et assassinent en permanence.

Les petits marchands, en sortant de chez eux, chaque matin traversent les piles de cadavres, et chaque soir, en revenant. Les écoliers aussi, les fonctionnaires de l’état, les policiers, les dissidents, les partisans…tous ont ensemble un dénominateur, les cadavres. Seul le président, le premier ministre, les ministres, les secrétaires d’état, les directeurs généraux, le chef de la police… sont exempts. Ils ne voient pas les cadavres. Ils ne trépignent pas sur les sangs larvés, ou frais des citoyens qui pavent les rues trouées de Port-au-Prince et ailleurs. Ils sont aveugles, ces coquins. Ils ne voient rien d’autre que le référendum hors-la-loi, les élections truquées, et surtout de l’argent, beaucoup d’argent. Car ici, les cadavres votent aussi.
Cette vérité n’épargne personne, les jolies filles éduquées des bidonvilles, comme les jeunes universitaires…Ils croyaient tous qu’une éducation solide les libérerait de leur héritage social/épidermique/génétique pathologique. Ils avaient tout simplement mal traduit le concept « l’éducation est la clef du succès ». Aujourd’hui, avec 3 diplômes universitaires, ils se recyclent seulement pour être des enseignants au niveau secondaire, des « avocats pauvres » …

Ils enjambent les cadavres comme on saute une rigole d’eau puante des rues délabrées de carrefour-feuilles. On s’en est habitué. C’est l’aspect mystérieux de l’homme, après un certain temps, il peut devenir n’importe quoi. En compagnie des crocodiles, il en fera des amis sûrs. Il devient, en cas échéant, un enfant de cœur, assassin, prêtre, mendiant…il importe peu, pourvu qu’il soit toujours vivant. Je n’arriverai jamais à comprendre ce profond désir d’exister. Ils n’ont pas une vie, mais ils existent. Cette force mystérieuse qu’est l’espoir, est vraiment étonnante. Il fait rêver des tas de trucs, les uns plus utopiques que les autres. Honnêtement, cela me déteste ! Cette envie d’exister n’épargne personne !
Haïti est devenue durant les trente dernières années, un énorme cimetière à ciel ouvert. Des corps animés montent et descendent les rues, sans se fatiguer, pendant toute la courte journée. Car, à partir de 4 heures, ils savent bien qu’ils doivent commencer par vider les lieux. Les églises, les écoles, les bordels…on s’empresse de les abandonner. Les croque-morts sont dehors, ils sont sans pitié. Ils sèment le deuil. C’est beaucoup mieux, plutôt c’est l’autre que moi. Le deuil arpente toutes les familles. On est là, en silence on attend son tour. Ce mutisme complice m’énerve à la fin. « On est laid, mais on est là » !
Ainsi, le sempiternel drame haïtien continue. Les cadavres empilent les rues, les hommes, femmes et enfants s’adaptent.
Joel Leon