Haïti : 3 décennies, 3 occupations étrangères !

Haïti : 3 décennies, 3 occupations étrangères !

« Le patriotisme haïtien avait reçu le dernier coup de grisou. Le rideau qui protégeait le caractère sacré de la terre d’Haïti s’évapore pour faire place à la banalisation de l’intégrité du territoire national. L’occupation est devenue acceptable. La pensée haïtienne est à l’abandon. Le concept de citoyenneté est vidé de son contenu. C’était la dernière phase de la descente choisie aux enfers !» (JL)

Joel Leon

Boukan News, 09/06/2023 – La première occupation d’Haïti dura 19 ans. Elle débuta en 1915 pour formellement prendre fin en 1934. Depuis lors, aucun dirigeant haïtien, même parmi les plus vassaux, ne fit appel aux envahisseurs étrangers pour occuper leur propre pays. Il fallait attendre jusqu’en octobre 1994 pour que plus de 20.000 soldats de l’armée américaine envahissaient la république d’Haïti encore une fois.

L’occupation de 1994

Jean Bertrand Aristide, pris aux pièges de la CIA et les militaires, fit formellement appel à l’étranger pour soi-disant libérer le pays des vautours militaires. Ces derniers tuèrent ou disparurent plus de 5000 militants qui réclamaient pacifiquement le retour à l’ordre constitutionnel pendant une période de trois ans.

Si Jean Bertrand Aristide a commis un seul péché durant sa carrière politique, c’est peut-être le feu vert qu’il avait donné aux américains pour envahir Haïti. Une décision qui restera comme une indélébile tache noirâtre dans son histoire d’homme d’état. « Car, sous aucun prétexte, nul patriote n’a le droit de faire appel à l’armée d’une autre nation pour envahir votre pays ! »

Le débarquement militaire suivi d’occupation en Haïti, a été combattu aux Nations-Unies par le représentant d’un état frère, la république populaire de Cuba. En dépit du fait que la politique de Fidel Castro s’alignait sur la position du « retour à l’ordre constitutionnel », en rétablissant Jean B. Aristide dans sa fonction de chef d’État. C’était une question de principe. Il mettait en garde contre toute tentative d’invasion militaire dans la région. Car, selon Ricardo Alarcón, cela va créer un impromptu précédent géopolitique qui va contrarier la période de détente dans le bassin des Caraïbes depuis l’invasion de Grenade, le 25 octobre 1983. Pour cette raison, la délégation cubaine rejetait la résolution 940 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui a été adoptée le 31 juillet 1994. Parce qu’elle autorisa l’utilisation de la force militaire en Haïti.

Le débarquement des marines américains en Haïti, le 15 octobre 1994, va créer une « manière de voir » fondamentale dans le subconscient, plus tard la conscience, des acteurs politiques. À savoir, qu’il est désormais admissible de faire appel à l’étranger pour résoudre les conflits politiques locaux. Car, si Jean Bertrand Aristide, le chef révolutionnaire connu et reconnu l’avait entrepris, et pourquoi pas nous, les réactionnaires de toujours !

Cet antécédent historique, créé à partir de l’intervention militaire étrangère de 1994, allait produire le phénomène « All Hell breaks loose » dans le pays. C’est exactement ce que redoutaient les dirigeants cubains de l’époque, la déstabilisation d’Haïti et de la région. L’occupation est devenue monnaie courante !

Le patriotisme haïtien avait reçu le dernier coup de grisou. Le rideau qui protégeait le caractère sacré de la terre d’Haïti s’évapore pour faire place à la banalisation de l’intégrité du territoire national. L’occupation est devenue acceptable. La pensée haïtienne est à l’abandon. Le concept de citoyenneté est vidé de son contenu. C’était la dernière phase de la descente choisie aux enfers !

L’occupation de 2004

10 ans après, soit en 2004, l’année qui coïncida avec la célébration des deux cents ans d’histoire de la république fière d’Haïti, a été plongée dans l’absurdité de la violence.  Le pire, sous les applaudissements des élites, les blancs débarquèrent pour la deuxième fois dans le pays, en moins d’une décennie. Cette fois-ci, ce n’était pas sous la demande directe du président de la République, paradoxalement encore Aristide, mais de la bourgeoisie, de la classe politique et d’une bonne frange de l’intelligentsia nationale.

Sans aucune gêne, les bourgeois-vainqueurs sautaient sur ce qui restait de la dépouille de la république, pour ne laisser qu’un tas d’os. C’était tellement laid, ainsi le premier ministre Gérard Latortue, dans un élan de répugnance, dénonçait publiquement la rapacité de cette classe d’hommes. Cette fois, les bourgeois et les politiciens assoiffés de pouvoir s’entendaient extrêmement bien.  Ils voulaient rageusement punir les masses populaires pour avoir osé de choisir en deux occasions, celui qu’elles voulaient diriger leur destin.

En revisitant les événements avec un ancien ministre de l’administration de Latortue, après avoir secoué la tête et à travers un rire indignant, il a dit : « En 2004, les vainqueurs n’avaient pas pris soin d’écrire l’histoire comme de coutume. Ils se croyaient l’histoire. Ainsi, ils volaient au grand jour, sans masque ni cagoule. Mon ami, c’était grimaçant à voir ».

René Préval, l’ancien maoïste converti en animal politique, joua le jeu. Il continue à enrichir les insatiables bourgeois et les politiciens affamés, tout en jetant des miettes aux petits leaders populaires. Agissant ainsi, ils pensaient pouvoir construire quelques tronçons de routes, des écoles, des centres de production agricole…Le pire, ils se croyaient le seul maître du jeu, jusqu’à ce que Mr Edmond Muller le lui eût craché les sept vérités, en le rappelant de son statut d’esclave domestique.

Depuis lors, Haïti marchait vers sa troisième occupation. Le séisme du 12 janvier 2010 accélérait le processus de la suffocation d’Haïti. Sous les bottes, René Préval ne pouvait pas tenir tête même pour placer Jude Célestin au pouvoir, comme l’ultime gagnant des élections de 2011. La queue entre les cuisses, il accepta l’invraisemblable : le parachutage de Michel Martelly à la présidence. Bon sang, Il fut un temps, lorsque des patriotes habitaient la cité, Bill et Hillary Clinton devraient passer sur le cadavre du président avant d’accepter de Martelly pouvoir. Préval n’avait plus de couilles !

L’Occupation de 2024

D’après les informations, le 15 septembre prochain, le Conseil de Sécurité se statuera sur le sort d’Haïti pour déterminer quand il va envoyer les troupes. On parle de 450 millions de dollars américains pour financer ce projet sans lendemain. Une somme, si on l’avait mis à la disposition d’un gouvernement patriotique, intègre et compétent pouvait aider des millions de personnes à sortir de la pauvreté abjecte. Cependant, on préfère le gaspillage !

Tout est en place, les 1000 kenyans, les 450 millions de dollars, les armes de gros calibres, les valets locaux…pour la troisième humiliante occupation d’Haïti en 30 ans. Cette fois, les habitants des bidonvilles attendent le débarquement des occupants. Ils sont tellement coincés par les gangs qui les ratissent comme des bêtes sauvages, aujourd’hui ils ne jurent que par les étrangers. Sinon, ils mourront tous, parce que les forces publiques ne peuvent ou ne veulent rien faire. Ils ignorent que ce sont eux qui vont mourir dans les échanges de tirs entre les gangs et les forces d’occupation.

Quel avenir pour Haïti ? Comment réagiront les gangs face aux forces d’invasion ? Est-ce qu’Haïti survivra ?

Je n’ai pas les réponses, mais qui vivra, verra !

Joel Leon

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