Frères Ennemis : L’Ultimatum du 24 Avril et L’Ombre Sanglante de 1937 sur Hispaniola.
Boukan News, 04/09/2025 – Sur une petite île, deux nations partagent une histoire aussi entrelacée que fracturée. Aujourd’hui, à l’approche de l’ultimatum du 24 avril 2025 fixé par la République Dominicaine, nous sommes témoins du cycle le plus honteux de l’humanité : la répétition délibérée de l’atrocité.
Les machettes du Massacre du Persil de 1937 ont été remplacées par des bus de déportation et des fusils militaires, mais la haine sous-jacente demeure inchangée. Lorsque les soldats dominicains ordonnaient aux Haïtiens de prononcer “perejil” il y a près de neuf décennies, ceux dont l’accent créole les trahissait étaient massacrés sur place. Jusqu’à 35 000 âmes — des voisins, des travailleurs, des enfants — assassinées pour le crime de prononciation.
N’avons-nous rien appris ?
Aujourd’hui, des familles sont arrachées au sommeil par des soldats qui défoncent leurs portes. Des enfants pleurent tandis que leurs parents sont traînés au loin. Des Haïtiens âgés qui n’ont connu aucun autre foyer depuis des décennies sont forcés à monter dans des bus surpeuplés, leurs documents détruits sous leurs yeux Des vidéos circulent montrant des forces dominicaines exécutant des Haïtiens aux postes-frontières — la technologie moderne capturant une brutalité séculaire.
La disgrâce s’approfondit chaque jour davantage. Ce ne sont pas des étrangers lointains mais des peuples dont les lignées, les cultures et les histoires se sont mélangées pendant des siècles sur une île d’à peine 75 000 kilomètres carrés. Les enfants d’Hispaniola se retournent contre leurs propres frères et sœurs.
Quelle conception perverse de la nation exige une telle cruauté ? Quel patriotisme creux célèbre la terreur imposée aux ouvriers agricoles, aux femmes de ménage et aux ouvriers du bâtiment dont le seul crime est de chercher à survivre Ce ne sont pas des envahisseurs mais des contributeurs essentiels à l’économie dominicaine — les mains invisibles qui construisent les complexes touristiques où les étrangers passent leurs vacances dans une bienheureuse ignorance de la souffrance qui les entoure.
L’échéance du 24 avril plane comme une tache qui s’étend sur notre conscience collective. Chaque jour de silence nous rapproche d’un massacre potentiel. L’inaction du gouvernement haïtien est une trahison envers ses citoyens les plus vulnérables. Les organisations internationales n’offrent que de tièdes déclarations de “préoccupation” sans préparer d’intervention significative.
Nous ne pouvons pas prétendre à l’ignorance comme nos ancêtres l’auraient pu pendant les massacres de 1937. Les atrocités d’aujourd’hui se déroulent sur les écrans de smartphones du monde entier, pourtant la réponse reste étouffée — comme si les vies noires caribéennes avaient moins de valeur que d’autres.
La vérité amère est celle-ci : sans intervention immédiate, nous pourrions bientôt parler d’un autre massacre haïtien au présent plutôt que comme d’une tragédie historique Le gouvernement dominicain doit annuler cet ultimatum inacceptable. Les dirigeants d’Haïti doivent enfin défendre leur peuple. La communauté internationale doit offrir plus que de vaines paroles.
Il ne s’agit pas simplement d’une crise migratoire mais d’une catastrophe morale qui se déroule au ralenti. Deux peuples, descendants à la fois de colonisateurs et d’esclaves, d’indigènes et d’immigrants, partageant une minuscule île dans la mer des Caraïbes — pourtant incapables de partager leur humanité.
Combien de corps devront s’échouer sur les rivages avant que nous reconnaissions que ce qui se passe à Hispaniola n’est pas distant ou étranger, mais le reflet de notre échec collectif Le sang de 1937 souille encore le sol de cette île. Nous ne pouvons pas — ne devons pas — permettre qu’il coule à nouveau.
Par Professeur.
Pierre R Raymond