Diplomatie : une expression de prospérité, de souveraineté et de citoyenneté ! (1)

Boukan News12/12/2024 – En Haïti, Il faut promouvoir l’école de pensée de politique internationale énoncée par la plus grande révolution humaine du 1er janvier 1804. Tout futur diplomate haïtien doit être immensément imbibé dans cet irréversible postulat : « Le pays de Jean Jacques Dessalines, d’Henry Christophe et d’Alexandre Pétion doit être toujours du côté des faibles et des persécutés ». Cette doctrine diplomatique est assujettie à définir l’expression diligente d’une politique indigène basée sur la prospérité, la souveraineté et la citoyenneté ?
Mon argument est simple et original parce qu’il met en lumière le profond héritage laissé par les dirigeants révolutionnaires d’Haïti et leurs idéaux de justice et d’égalité. Fonder la diplomatie haïtienne sur ces principes pourrait aider à élaborer une politique étrangère qui soit non seulement fondée sur des principes, mais qui résonne aussi profondément avec l’éthique historique de la nation.
La promotion d’une politique indigène basée sur la prospérité, la souveraineté et la citoyenneté s’aligne bien avec les aspirations au développement durable et à la dignité nationale. Cela suggère que la position diplomatique d’Haïti pourrait non seulement défendre les personnes vulnérables sur la scène mondiale, mais aussi favoriser un environnement interne où la croissance économique, l’indépendance politique et la citoyenneté active s’épanouissent.
Une telle doctrine nécessiterait également une compréhension et une appréciation profondes du contexte historique parmi les diplomates, garantissant que leurs actions et leurs politiques soient continuellement inspirées par les valeurs fondamentales du pays. Cette approche pourrait en effet présenter Haïti comme un phare de force et de soutien pour les personnes défavorisées, à l’intérieur de ses frontières et au-delà.
D’abord, la prospérité !
Dumarsais Estimé tenta d’amorcer le réflexe de la prospérité à partir du triomphe du mouvement de 1946 contre le mulâtrisme révoltant et le comportement vassal pro-américain du président Elie Lescot. Effectivement, Estimé avait raison parce que l’influence internationale de la première république noire est intimement liée à son poids économique, de ce fait militaire. C’est ainsi que tout de suite après s’être investi du pouvoir en « bonhomme de coachi », il s’était livré à une course contre la montre pour renforcer l’économie haïtienne. Ces réalisations témoignent de ce choix stratégique de rendre Haïti prospère pour le bien-être du peuple et le gain d’une autre forme d’audience internationale.
Le grand avantage du peuple haïtien est son histoire truffée de difficultés qui l’habituent à survivre en dépit de tout, tandis que les autres peuples de l’occident n’ont pas cet avantage. Henry Kissinger l’a illustré fort bien dans son vibrant ouvrage, « Diplomacy », lorsqu’il raconta qu’en 1762, le chargé d’affaires français à Saint-Pétersbourg ( Russie) avertit son gouvernement dans un rapport : « …Je soupçonne qu’une nation qui est capable de braver l’intempérance des saisons mieux que toute autre en raison de la rigueur de son climat natif, qui est habituée à une obéissance servile, qui a besoin de peu pour vivre est donc capable de faire la guerre à peu de frais… une telle nation, je le soupçonne, est susceptible de conquérir… ». Le besoin de transformer notre réalité sous-développée en un outil victorieux est essentiel pour effacer la peur de se voir submerger par les traditionnels tuteurs d’Haïti.
Pour y parvenir, il faut travailler pour sortir Haïti de la mendicité internationale qui impose trop de fois aux diplomates haïtiens de courber leurs têtes. Car, les directives qui viennent de la présidence du pays, dictées par le « realpolitik », les ont toujours placés dans des situations inconfortables et en contradiction avec les grands principes fondamentaux de la nation. On se rappelle encore du vote d’Haïti à « Punta del este (Uruguay) » le 29 janvier 1962, ce qui entraina l’expulsion de Cuba de l’Organisation des Etats Américains-OEA ; on a vu répéter la même histoire en 2019, lorsque la délégation Haïtienne à l’OEA vota contre la république bolivarienne du Venezuela, une nation sœur qui s’est toujours solidarisée avec Haïti dans les pires moments de son histoire, et ceci dans le respect et la dignité.
Duvalier, père et fils, échouèrent dans leur tentative de relancer l’économie haïtienne à partir des axiomes économiques néo-libéraux inspirés du succès des « tigres asiatiques ». Le pays abandonna la voie de la prospérité en faveur de la mendicité internationale, ce qui est le plus puissant camouflet à la mission historique d’Haïti. Tout ceci est la conséquence de la désintégration économique qui impose des choix douloureux aux dirigeants politiques haïtiens à se soumettre aux aberrants diktats internationaux. Plus nous nous éloignons de la prospérité, plus le pays devient un état paria incorporé à la diplomatie américaine, parfois occidentale. En filigrane, pour qu’Haïti se redresse et remplit sa fonction libératrice des peuples, il faut habilement procéder à la reconstruction matérielle de la nation, un passage incontournable !
Comme je venais de le décrire au début du texte, il y a une constante entre les affaires et l’influence diplomatique d’un quelconque État, elle est indubitablement liée à son poids économique sur l’échiquier mondial ou régional. C’est une vérité historique qui s’impose comme immuable dans l’évolution des relations des États. Toute domination impériale marche de pair avec une forte économie qui permet d’entretenir une puissante armée qui exige le respect, parfois l’admiration du citoyen de cet état. Les citoyens romains, anglais, aujourd’hui américains jouissaient toujours d’un respect certain partout où ils séjournaient à travers le monde. En Haïti, nous en avions fait l’amère expérience tout au long du 19e siècle !
L’affaire Luders constitue l’exemple le plus scandaleux dans l’exercice de la force d’un puissant contre un état faible. Le grand dilemme, comment un pays de la périphérie sans aucun poids économique peut arriver à influer ou contrer les décisions internationales contraires à ses intérêts et principes.
Ce sujet me préoccupe depuis le coup d’État militaire annoncé contre le président constitutionnel haïtien, Jean Bertrand Aristide, le 30 septembre 1991. Cette action malveillante consacra la banalisation de la légitimité populaire par les Etats-Unis, une nation perçue comme la plus grande démocratie du monde. Il a été prouvé que le gouvernement américain avait directement participé dans le renversement d’un pouvoir issu d’élections démocratiques. Le pire, cette attaque contre la démocratie avait eu lieu au moment même où la guerre-froide respirait sa dernière bouffée d’air. Pour rectifier cette anomalie, l’Amérique, l’instigateur du coup, rétablissait Aristide dans ses fonctions de chef d’État avec l’aide de 25.000 soldats.
Depuis lors, Haïti a perdu sa voix/voie sur l’échiquier international. D’abord avec l’application du chapitre 7 des Nations-Unies, ensuite avec la présence des troupes étrangères stationnées dans le pays et le renforcement sauvage d’une économie de tutelle qui dévalisa la production nationale. Puisque l’économie est un facteur incontournable dans l’affirmation de toute doctrine diplomatique, avec l’affaissement chronique de la capacité productive d’Haïti, elle n’a plus de voix, ni de voie. La diplomatie haïtienne, si elle existe encore, est incorporée dans la vision impériale globale des Etats-Unis d’Amérique.
Au début du mois d’octobre 2024, le Conseil Présidentiel de Transition s’apprêtait à décider du sort de la ministre des Affaires Etrangères d’Haïti, madame Dominique Dupuy, après la débâcle diplomatique à l’ambassade du Brésil, à New York. L’assistant secrétaire américain pour l’hémisphère, Mr Brian A Nichols, appela Lesly Voltaire aux environs de 3 heures PM pour solliciter une réunion qui doit prendre place à 6PM, le même jour. Les 9 conseillers présidentiels étaient obligés d’arrêter toutes leurs activités pour rendre ce « zoom meeting » possible. Normalement, l’assistant secrétaire d’état américain devrait obtenir une réaction négative du CPT car, cette demande bouscula tous les principes de protocole liés à la coopération interétatique. Cependant, l’état lamentable du pays ne permet pas le luxe de dire non à la forte puissance étoilée.
Il faut sortir de cette tanière. Pour y parvenir, Haïti doit prendre le leadership d’un grand mouvement tiers-mondiste à l’échelle internationale. En commençant au sein de la plus grande organisation internationale appelée l’ONU, parce qu’à l’intérieur de ce géant building new-yorkais, le monde entier se frotte. L’approche doit être vidée de toute substance anti impérialiste pour embrasser un autre système appuyé sur les intérêts économiques, sociaux et culturels de chaque état du tiers-monde. Je ne parle pas de la régénération du mouvement non-aligné qui a fait son temps pendant la Guerre-froide. Il faut penser de préférence à jeter les bases réelles d’un vaste mouvement nationaliste pour modifier, voire remplacer les « institutions de Bretton Woods » qui avaient été taillées sur mesure pour protéger les intérêts des vainqueurs de la deuxième guerre mondiale. Les États du tiers-monde n’avaient pas été invités aux discussions, non parce qu’ils n’avaient rien à dire, mais ils n’étaient pas considérés comme des nations à part entière où vivaient des millions d’hommes et de femmes. Il faudrait attendre la grande vague de désoccupation du début des années 60 et avec l’aide menaçante des soviétiques pour qu’enfin donner une voix limitée au tiers-monde.
Haïti doit se placer à la tête de ce grand mouvement planétaire du tiers-monde. Le plan est de prioriser la coopération entre les États en profitant de la diversité de chacun. L’idée est contre toute tentative de remplacer les échanges internationaux avec les États riches de l’occident ou de l’Asie. Au contraire, il faut utiliser la technologie occidentale pour augmenter la capacité productive des états du tiers-monde afin d’améliorer en quantité et en qualité les courtages. Il faut faire comprendre aux États riches que le développement national des nations ne constitue pas une menace pour leurs intérêts, mais leur paupérisation. Les résultats, c’est que la migration vers les pays du centre diminuera profondément, les cultures et traditions seront mieux protégées, la paix sera rétablie et l’équilibre international sera maintenu avec plus de sûreté.
Le coup d’État de 1991 contre le président Aristide a en effet marqué un tournant important, mettant en évidence les complexités de l’influence internationale et de la lutte pour la souveraineté. Le déclin économique qui en a suivi et la dépendance à l’aide étrangère ont sans aucun doute affaibli la position d’Haïti sur la scène mondiale. Ma vision d’Haïti comme chef de file d’un nouveau mouvement du tiers-monde est ambitieuse et inspirante. En encourageant la coopération entre les pays en développement et en tirant parti de la technologie occidentale pour la croissance économique, Haïti pourrait en effet jouer un rôle central dans la refonte de la dynamique mondiale. Cette approche pourrait contribuer à réduire la dépendance à l’égard des nations puissantes et à promouvoir un ordre international plus équilibré et plus équitable. L’idée de remplacer ou de modifier les institutions de Bretton Woods pour mieux servir les intérêts des pays en développement est particulièrement intrigante. Un tel changement pourrait permettre à ces pays de poursuivre leurs propres programmes de développement et de protéger leurs intérêts culturels et économiques.
L’objectif de cette analyse est un appel à la réflexion afin de changer le rituel diplomatique d’Haïti. L’accent mis sur la prospérité comme pierre angulaire de l’influence diplomatique d’Haïti est en effet crucial. Les efforts de Dumarsais Estimé pour renforcer l’économie haïtienne soulignent l’importance de la stabilité économique pour gagner le respect et l’influence internationale. Le contexte historique que j’ai fourni, y compris les défis auxquels Haïti est confronté et les exemples d’autres nations, soulignent la nécessité d’une base économique solide pour soutenir les efforts diplomatiques.
L’idée que la résilience d’Haïti, née de son histoire de dépassement de l’adversité, peut être un outil puissant pour transformer la réalité actuelle vers de meilleurs jours. S’éloigner de la dépendance internationale et se concentrer sur l’autosuffisance économique pourrait en effet aider le pays à récupérer sa mission historique et à renforcer sa position sur la scène mondiale.
Les exemples de décisions diplomatiques passées, telles que les votes contre Cuba et le Venezuela, illustrent les complexités et les défis auxquels sont confrontés les diplomates haïtiens. Ces exemples soulignent la nécessité d’une politique étrangère cohérente et indépendante qui s’aligne sur les principes fondamentaux et les valeurs historiques de la nation.
Pour y parvenir, il est essentiel de se concentrer sur la reconstruction matérielle et le développement économique. En construisant une économie forte, Haïti peut renforcer son influence diplomatique et remplir son rôle de porte-étendard pour les opprimés et les vulnérables.
Ces réflexions constituent une base solide pour discuter de la manière dont Haïti peut se frayer un chemin vers la prospérité et renforcer sa présence diplomatique.
Joel Leon