COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU : HAÏTI, DES MISSIONS DE PAIX QUI CRÉENT LE CHAOS ET N’APPORTENT QUE LA GUERRE
Boukan News, 11/21/2024 – J’ai suivi avec attention, comme si j’étais au théâtre, le déroulement de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU de ce mercredi 20 novembre 2024, consacrée à la situation sécuritaire en Haïti. Cette réunion avait été convoquée à la demande de deux pays membres permanents avec droit de veto : la Chine et la Russie.
Dès l’ouverture applaudie par des spectateurs attentifs comme moi, impatients de voir se jouer les actes clés de ce drame diplomatique, le Représentant d’Haïti à l’ONU, M. Antonio Rodriguez, tente de jouer son rôle avec conviction, tout en plaidant pour une transformation de la mission des forces kényanes, déployées sous l’égide du président William Ruto, en une opération officielle de maintien de la paix des Nations Unies. Cette demande avait été formellement exprimée par le président du Conseil de transition haïtien, M. Lesly Voltaire.
Sans surprise, le Représentant de la République dominicaine, dans ce qui semble être un rôle habituel d’ami autoproclamé d’Haïti, a soutenu cette mission avec vigueur. On pourrait même croire à un intérêt particulier, presque paternaliste, pour Haïti et pour son peuple. Cependant, ce n’est pas cette séquence qui a retenu le plus, mon attention.
Acte 1
Quelque chose m’a véritablement marqué, c’est l’intervention de la Chine. Clair, cohérent, et sans ambiguïté, le Représentant chinois a rappelé l’historique des différentes missions de l’ONU en Haïti. Selon lui, ces missions n’ont apporté aucune amélioration concrète en termes de sécurité ou de stabilité, mais ont plutôt contribué à perpétuer un cycle de crises, de ressentiments populaires, et de chaos.
La position chinoise était on ne peut plus claire :
La solution à la crise haïtienne doit avant tout être haïtienne. Elle nécessite une volonté commune des différentes factions politiques sur place, en Haïti, un sens aigu des responsabilités, et un réel engagement pour résoudre les problèmes structurels. En aucun cas, a-t-il affirmé, la solution ne devrait venir de l’extérieur. Toute intervention étrangère, dans ces conditions, serait non seulement inutile mais aussi, incapable de répondre aux problèmes fondamentaux du pays.
Bien que le Représentant chinois n’ait pas explicitement exprimé son opposition à l’envoi d’une mission de maintien de la paix, son discours en a laissé peu de doute :
Dans l’état actuel des choses où les conditions pour la paix ne sont pas réunies, il n’y a aucune paix à maintenir, ni sur le plan politique ni sur le plan sécuritaire.
La Chine a également souligné un point crucial : l’afflux continu d’armes provenant de l’étranger et qui alimente la puissance et l’épanouissement, (on dirait) presque la suprématie des gangs armés, rendant la situation encore plus complexe. Plutôt que de promouvoir une intervention militaire, la Chine a exprimé son souhait de jouer un rôle constructif dans le développement, l’autonomie et l’indépendance d’Haïti.
Cependant, cette double mention d’indépendance et d’autonomie soulève des questions. Pourquoi évoquer ces deux notions en parallèle ? L’indépendance suppose la souveraineté totale d’une nation, libre de toute ingérence étrangère, tandis que l’autonomie suggère une capacité accrue à se gouverner et à se développer par ses propres moyens, sans dépendre excessivement de l’extérieur. En parlant des deux, la Chine pourrait indiquer que bien qu’Haïti soit indépendant sur les papiers (à l’oral) , son autonomie reste pourtant bien compromise par des facteurs économiques, politiques, et sociaux qui la rendent absolument vulnérable aux influences extérieures.
Ainsi, la véritable indépendance passe aussi par une autonomie renforcée.
Acte 2
Dès le début de son intervention, le représentant de la Russie a décrit avec gravité, les horreurs qui se déroulent dans les rues de Port-au-Prince : de véritables combats opposent les gangs à la police, appuyée par une population qui s’est armée pour se protéger. Il a exprimé son regret face à l’effondrement des acquis obtenus, soulignant des réalités que nous connaissons toutes et tous. Selon lui, la communauté internationale doit agir en toute urgence pour stabiliser la situation en Haïti.
Un point clé de son intervention a concerné la Mission Multinationale d’Assistance et de Sécurité (MMAS), qui, bien qu’elle ne soit pas une mission onusienne, avait suscité de grands espoirs. Il a rappelé que le financement nécessaire promis par les bailleurs n’a pas été versé, ce qui entrave le déploiement complet des contingents nécessaires pour garantir le succès de cette mission. Le Représentant russe a appelé à une discussion honnête, à la fois sur les perspectives de la MMAS et sur la réalité que les Haïtiens, déjà désabusés, n’attendent plus grand-chose de l’aide internationale. Il a également noté que le Kenya, acteur clé de cette mission, attend toujours les financements promis.
La Russie a critiqué la proposition de transformation du mandat de la mission, portée par les États-Unis et l’Équateur, qu’elle considère comme une surprise. Elle a souligné l’irresponsabilité de penser à une telle transformation sans d’abord identifier les problèmes rencontrés par les précédentes missions et les moyens concrets de les résoudre.
Le Représentant russe a également remis en question la motivation des États-Unis, rappelant que Washington considère Haïti comme son arrière-cour et s’est trop souvent ingéré et impliqué dans ses affaires pendant des siècles. Il a dénoncé l’incohérence de la politique américaine concernant les missions en Haïti et a attiré l’attention sur les changements abrupts de Washington, qui, selon lui, affectent la stabilité des actions internationales. La communauté internationale, selon lui, doit-elle suivre aveuglément ces incohérences américaines presque capricieuses ou purement impérialistes parfois ?
La Russie a également critiqué le fait que les États-Unis n’aient pas assuré leur contribution financière à la MMAS et qu’ils n’aient pas versé leur participation à l’ONU, contribuant ainsi à une crise de liquidités au sein de l’Organisation internationale.
Enfin, la Russie a rappelé la méfiance du peuple haïtien face à ces missions internationales et a souligné qu’il n’existe pas, selon elle, de demande légitime pour une nouvelle mission, en l’absence d’autorités légitimes en Haïti. Il a également noté que les conditions sur le terrain ne sont pas réunies pour une mission de maintien de la paix, car il s’agit avant tout de lutter contre une véritable guérilla urbaine qui participe d’un complot stratégique et logistique international.
En conclusion, le Représentant russe a affirmé qu’Haïti a besoin d’une aide urgente, mais que cette aide devrait se concentrer sur le soutien logistique et financier à la police et à la MMAS. Il a insisté sur un point fondamental : ce sont les Haïtiennes et les Haïtiens qui doivent décider de leur avenir, et non, les forces extérieures.
Pour finir ce compte-rendu à froid, je l’ai dit plus haut, comme un spectateur qui regarde un théâtre absurde, soit du Brecht ou du Ionesco, il est très clair en effet, que dans ce combat hautement diplomatique où se jouent les relations Est-Ouest, la Chine et la Russie ne sont pas disposées à faire de cadeau aux États-Unis, ni à ses alliés. Le grand perdant sera toujours Haïti dirigé entretemps par des « cons » selon les propos mêmes cette semaine, de monsieur Emmanuel Macron, l’actuel Président français qui, au lendemain de l’assassinat crapuleux de Jovenel MOÏSE, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, avait probablement son petit Premier ministre dans sa poche, ou sous les dents, mais que ce Premier ministre n’ayant pas pu produire les résultats escomptés, a dû être éjectés dans la foulée. Haïti étant une terre toujours glissée. Entre le coup de tête inélégant de monsieur Macron qui ne montre aucun respect, ni pour les Haïtiennes et les Haïtiens, ni pour nos autorités constituées, entre les conneries de Macron et les grands débats onusiens où Russes et Chinois face à l’impérialisme américain, mènent leur propre guerre froide, c’est le peuple haïtien qui passera toute son existence à souffrir et à crever, si Jean Jacques Dessalines ne revienne un jour, nous insuffler « la force de regarder demain » comme dirait le poète Aimé Césaire, ou encore, la force de regarder en face , tous ces petits colons, anciens et modernes, qui jouent la carte de l’humiliation contre notre nation, en oubliant le poids de l’Histoire et celui du karma…
ACTE 3
LA PIÈCE EST JOUÉE.
FIN. RIDEAUX.
Marnatha I. TERNIER