Comprendre le « Comportement Politique» de la Diaspora Haïtienne !
« On ne tire pas sur une fleur pour la faire pousser. On l’arrose et on la regarde grandir… patiemment. »
Par Joel Leon
On se plaint beaucoup du comportement pro-PHTK d’une bonne frange de la diaspora nord-américaine. Cela rend les militants pour le changement en Haïti inconfortables qui, depuis des décennies, se battent pour que le pays prenne une autre direction. Spécialement, lorsqu’on considère l’engagement héroïque de la diaspora haïtienne contre la dynastie des Duvalier. Il suffit de citer les noms de : Gérard Jean Juste, Farah Juste, Wilson Désir, Dr. Yves Jérôme, Benjamin Dupuy, Paul & Franck Laraque, Frantz Latour …pour ne citer que quelques-uns, parce que la liste est extrêmement longue. Comment expliquer cette mutation spectaculaire de la diaspora haïtienne ?
A mon humble avis, il y a plusieurs facteurs qui déterminent ce nouveau « comportement ».
Il y a une rupture d’ordre sociologique. La transition n’a pas été faite. La génération d’avant n’a pas fait une passation ordonnée du flambeau de la résistance aux jeunes. Ceci est arrivé à cause de la faiblesse organisationnelle qui affecte encore les différentes composantes de la diaspora. Donc, le nombre de militants a considérablement diminué au fil des ans. Ceci est dû au fait que bon nombre de la première génération, très âgée, ne peut plus braver le froid « mal élevé » de l’hiver ou le soleil ardent de l’été, sans oublier que bon nombre d’entre eux sont morts. De Lavalas a PHTK, les désillusions ont aussi découragé beaucoup de compatriotes !
Considérons le phénomène Joseph Martelly. Ce Mr, en dépit de tout, conserve une certaine popularité dans la diaspora, en particulier chez les jeunes. La raison qui explique cette bizarrerie est que ces individus n’arrivent pas à établir la différence entre le musicien/animateur et l’homme politique/d’état. Joseph Martelly, dont je n’avais jamais raté une prestation dans la ville ou je vis, a un talent artistique remarquable. Il produit des œuvres populaires qui transcendent les générations. Je vais plus loin pour dire que certaines de ses chansons, telles que : Mon Colonel, Pa Manyen Fanm, Haïti…font partie du grand patrimoine artistique national. Cependant, Martelly est un piètre administrateur. Compte tenu du fait qu’il jouissait des avantages financiers internationaux dont aucun gouvernement n’avait jamais bénéficié avant lui. Il a pompeusement tout gaspillé et fait de lui le plus grand pillard de l’histoire nationale.
Sans gêne, Martelly, a dilapidé, séparé, gaspillé des milliards de dollars du trésor public à des membres de sa famille, ses amis musiciens, des flatteurs et les flibustiers du secteur économique. Donc, Michel Martelly, en guise d’améliorer le sort des milliers de ses fans en Haïti, a contribué à la complication de leurs vies. Pour combler le tout, il a glissé Jovenel Moïse dans la gorge du peuple haïtien par des subterfuges éhontés. Le spectacle macabre que nous vivons actuellement dans le pays est l’œuvre de Michel Martelly. Le pire, il rêve de revenir au pouvoir !
En Haïti, les critiques sont fréquentes et pertinentes à l’endroit de la diaspora. on n’arrive pas à accepter son étrange soutien au statu quo en Haïti. Personnellement, parfois je suis aussi confus. La souffrance du peuple, à première vue, doit interpeller la conscience de la diaspora, les assassinats, notamment de Me Dorval Monferrier et le kidnapping de la petite Olsmina Jean constituent des invitations à la révolte.
Cependant, quand on observe le comportement de certaines personnes de la diaspora, leur attachement à Haïti, on ne saurait tenir un propos pareil. Une diaspora qui apporte une contribution annuelle de 4 milliards de dollars à son pays, en échange de rien du tout, on ne saurait les qualifier d’anti nationale. Des hommes et des femmes qui se battent en permanence contre le racisme systémique à l’endroit d’Haïti à travers le monde, dire qu’elles n’aiment pas leur pays, est une aberration. Est-ce de l’ignorance !
L’ignorance explique une bonne partie du comportement de ces gens-la. La réalité haïtienne est extrêmement complexe. Cela exige un certain effort intellectuel de recherche et de dialogue avec les acteurs en Haïti pour pouvoir cerner le défi haïtien. Beaucoup de frères et sœurs de nos communautés, ils n’ont pas ce luxe. Les professionnels haïtiens doivent travailler un petit peu plus afin de tenir leur standard, comparativement aux blancs. Ils ont une famille, des obligations personnelles, ils n’ont pas le temps. Les ouvriers haïtiens, eux aussi, ont leur lot de problèmes. Souvent, ils sont obligés de travailler plus d’heures de temps que d’habitude ou avoir 2 jobs simultanément. En un mot, la diaspora haïtienne n’a pas le temps nécessaire pour se pencher sur le mal haïtien. Il n’est pas permis aux esprits simples d’avoir une vue complète et crue de la réalité haïtienne.
A l’exception d’un petit groupe de compatriotes assez fortunés. Ils travaillent dans des milieux libéraux ou académiques qui les astreignent à poser le pourquoi et le comment des choses. Nous avons des hommes et femmes qui s’imposent comme des références à ce niveau. Ricot Dupuy, le directeur de la Radio Soleil à New York, est une référence en termes d’analyse profonde et probité intellectuelle et politique. Et tant d’autres compatriotes qui s’engagent quotidiennement à lutter pour Haïti et ceci en échange de rien !
Il y a une autre catégorie qui a fait leur jubilé en ce qui a trait à Haïti. Ces personnes-là, elles sont découragées et se contentent d’envoyer de l’argent aux membres de leurs familles restant au pays, et ne veulent plus entendre parler des nouvelles d’Haïti. Cette catégorie a considérablement grossi, surtout à partir de l’échec de l’expérience lavalassienne au pouvoir. Aristide est toujours dans leur cœur, mais ils ont cessé de croire que quelque chose va véritablement changer en Haïti. Pour cette catégorie, Haïti, c’est finie !
Il existe un autre groupe. Celui-là donne beaucoup à réfléchir. En général, ils parlent constamment d’Haïti à partir des clichés. Ils disent n’importe quoi, parfois avec beaucoup d’arrogance, sans prendre le temps de s’informer sur Haïti ou de s’éduquer à l’histoire de leur pays. Ces citoyens-là, ils mettent tout le monde dans le même panier, en disant que « tout Ayisyen se vòlò ». Ils n’ont pas une position fixe, ils sont partout à la fois. Ils ne sont pas cohérents, mais aussi, ils transfèrent de l’argent régulièrement aux parents et amis vivant en Haïti.
Il y en a d’autres qui sont catégoriquement méchants. A la recherche de gains personnels, ils soutiennent délibérément les ennemis de tout processus de changement en Haïti. Ils attendent leur tour pour se rendre au pays se faire riche au détriment du peuple haïtien. Les cas de Roro Nelson, Gamal Augustin, une pléiade de musiciens haïtiens…
Il y a une seule constante qui unit la diaspora, la terre d’Haïti. Qu’ils soient de l’opposition ou des supporteurs du pouvoir, ils expédient tous des transferts en Haïti. Mais Haïti ne sortira pas du sous-développement sans la prise du pouvoir politique par des patriotes intègres et compétents. Qu’on soit d’Haïti ou de la diaspora, une autre République d’Haïti sera au bénéfice de tout le monde !
Joel Leon