À propos du livre « Les Rendez-vous Manqués »!

Une histoire des occasions manquées : La quête inachevée d’Haïti

À propos de « Les Rendez-vous Manqués » de Joel Leon (Kiskeya Publishing, 2024, 205 pages)

Un regard neuf sur l’historiographie haïtienne

Boukan News, 01/07/2025 – Dans le paysage foisonnant des études consacrées à Haïti, où dominent souvent les analyses déterministes ou les récits militants, l’ouvrage de Joel Leon¹ apporte un souffle nouveau. « Les Rendez-vous Manqués : Et le chaos haïtien continue » se distingue par son approche singulière et sa profonde originalité. À travers une analyse méticuleuse, l’auteur nous convie à un voyage intellectuel qui transcende les conventions de l’historiographie traditionnelle.

Une construction narrative innovante

L’originalité de l’œuvre réside d’abord dans sa construction narrative. Partant d’une conversation poignante avec la militante Antoinette Duclair, dite Netty, tragiquement assassinée peu après, Leon tisse une toile complexe où s’entremêlent témoignage personnel et analyse historique. Cette rencontre, présentée comme le catalyseur de l’œuvre, illustre la tension générationnelle qui traverse le livre : d’un côté, la nostalgie des aînés évoquant une Haïti où « l’eau coulait dans les robinets » ; de l’autre, l’incompréhension d’une jeunesse face aux promesses non tenues.

Une méthodologie novatrice

Le concept de « Rendez-vous manqués », qui structure l’analyse en huit moments cruciaux², offre plus qu’une simple chronologie des échecs. Leon propose une méditation profonde sur la nature du temps historique, enrichie par une comparaison audacieuse avec Rome. Cette analogie, développée en introduction et reprise en conclusion, suggère qu’une nation peut transformer ses défaites initiales en sources de renouveau. Comme Rome qui transforma sa défaite face aux Gaulois en catalyseur de sa grandeur future, Haïti pourrait, selon l’auteur, convertir ses échecs en opportunités de renaissance.

Une analyse multidimensionnelle

La force de l’ouvrage réside dans sa capacité à maintenir plusieurs niveaux de lecture :

– Sur le plan historique : analyse rigoureuse des facteurs qui ont façonné le destin d’Haïti

– Au niveau sociologique : examen des dynamiques de classe et de race

– Sur le plan politique : interrogation sur la construction nationale post-coloniale

– Dans la dimension mémorielle : étude de la transmission intergénérationnelle

Le cas Estimé : une illustration méthodologique

Le traitement de la présidence Estimé illustre parfaitement la méthode de l’auteur. À travers le souvenir de sa grand-mère Ernoce Clé, Leon fait revivre un moment où le rêve d’une « nation pour tous » semblait possible. Les réalisations concrètes – le système de la marmite Estimé³, les constructions d’écoles, l’exposition de 1949 – s’enrichissent d’une réflexion sur les conditions du changement social.

Une résonance contemporaine

L’ouvrage prend une résonance particulière dans le contexte actuel. Le boycott du bicentenaire de l’indépendance en 2004 devient métaphore de l’incapacité à construire un récit national unificateur. Pourtant, Leon refuse le pessimisme. Sa conclusion, évoquant le long parcours de l’humanité vers le progrès⁴, suggère qu’Haïti pourrait encore rattraper ses « révolutions manquées ».

Au-delà de l’historiographie

« Les Rendez-vous Manqués » transcende le genre du simple ouvrage historique. C’est une méditation profonde sur la possibilité du changement historique et sur l’espoir qui persiste malgré les échecs. Dans la crise actuelle que traverse Haïti, cet ouvrage offre des clés précieuses pour penser non seulement le passé, mais aussi les chemins possibles de renaissance nationale.

Yves Pierre, politologue

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Notes :

¹ Joel Leon, observateur averti de la société haïtienne, combine dans cet ouvrage son expérience de témoin direct des événements avec une analyse historique rigoureuse.

² Les huit moments analysés vont de l’assassinat de Dessalines (1806) au bicentenaire de l’indépendance (2004).

³ Système de mesure institué pour protéger les consommateurs contre les abus des commerçants.

⁴ L’auteur rappelle que l’humanité a mis « 90.000 ans pour découvrir l’agriculture » et « 200 ans pour déchiffrer le pouvoir des atomes ».

Bibliographie sélective

– Sources primaires citées par l’auteur

– Correspondance Jefferson-Lafayette

– Témoignages sur la période Estimé

– Documents relatifs au bicentenaire de 2004