L’IRIDIUM DANS LE MONDE ET EN HAÏTI

L’IRIDIUM DANS LE MONDE ET EN HAÏTI

L’iridium dans la croûte terrestre L’iridium (mot provenant du latin iris signifiant arc-en-ciel) est un métal blanc très légèrement jaunâtre, caractérisé par une très grande dureté (dMohs= 6,5), une masse volumique (ρ = m/V) de 22,65 g/cm3 ou 22650 kg/m3 et une forte inélasticité, ce qui rend son usinage difficile. Membre du groupe du platine, l’iridium est l’élément connu jusqu’ici qui résiste le mieux à la corrosion. Il se trouve dans la nature sous forme d’iridium natif, parfois comme composant notable du platine natif ou de l’osmium natif.

Les métaux du groupe du platine dits MGP (ou PGM en anglais pour Platinum group metals) regroupent six ou sept éléments : ruthénium (Ru), rhodium (Rh), palladium (Pd), osmium (Os), iridium (Ir), platine (Pt), et, selon les sources, rhénium (Re). Ces éléments sont regroupés dans le Tableau périodique ci-dessous. Revue d’information du Bureau des Mines et de l’Énergie (BME) Mot du Directeur Général No 2 décembre 2022 Echantillons d’iridium natif Les métaux du groupe platine dans le tableau de Mendeleïev Les métaux du groupe du platine dans le Tableau de Mendeleïev

Utilisation de l’iridium

La résistance de l’iridium à la corrosion et aux températures élevées est si extrême qu’il est devenu presque indispensable dans la fabrication des moteurs d’avion, des convertisseurs catalytiques d’automobiles, des pipelines en eau profonde, dans les systèmes d’injection de réacteurs chimiques et dans la composition des alliages utiles à la coque des navettes spatiales.

Son utilisation s’est également étendue aux bougies d’allumage, aux fusibles, aux appareils médicaux et électroniques. Il est largement utilisé dans l’électrolyse, le raffinage et le nettoyage de l’eau. On le trouve même en quantités infimes dans les montres et les boussoles.

Teneur moyenne de l’iridium dans la croûte terrestre

Le clarke, teneur moyenne d’un élément chimique dans la croûte terrestre, s’exprime en g/t (gramme par tonne), en ppm (partie par million) ou en % (pourcentage). Le clarke de l’iridium est de 0,001 g/t (gramme d’iridium par tonne de roche) ou 10-3 g/t, ce qui explique la rareté et les propriétés inhabituelles de ce métal dans l’écorce terrestre. La teneur de l’iridium est encore estimée à 0,1 nano gramme par gramme de roche. En guise de rappel, la partie par million ou ppm est la fraction valant 10–6, c’est-à-dire 1 millionième (1/1 000 000). Pour des fractions plus petites que la ppm, on peut utiliser la partie par billion notée ppb signifiant encore partie par milliard qui est égale à 10–9 équivalent à 1 milliardième (1/1 000 000 000). Un nano gramme (1ng) vaut par exemple 1 milliardième de gramme comme l’indique le tableau suivant des préfixes pour décrire les multiples des unités de mesure basées sur des facteurs de 10.

Ou trouve-t-on l’iridium dans le monde ?

Les grands gisements d’iridium se sont formés dans la croûte terrestre dans un contexte magmatique ultrabasique c’est-à-dire dans les gîtes associés aux roches magmatiques éruptives ultrabasiques, ou parfois également dans les filons de quartz. Ce sont des roches ultra mafiques, c’est-à-dire des roches basiques à ultrabasiques, associées souvent à l’or, au nickel ou au cuivre. Ce qui explique pourquoi l’iridium est souvent exploité comme des sous-produits de mines de Cuivre-Nickel ou d’autres métaux, comme le fer et le platine.

Après érosion des gisements, les fins morceaux et particules d’iridium se mélangent avec le sable alluvionnaire des rivières potentiellement aurifères (placers) ou platinifères, dévoilant ainsi très souvent des paillettes et grains roulés d’iridium natif.

La production globale d’iridium dans le monde est peu publiée car Il est très difficile d’obtenir des données précises sur la production de ce métal. On peut toutefois estimer la production annuelle à environ 8000 kg ou 8 tonnes en 2019. Parmi les principaux pays producteurs miniers d’iridium, on peut citer : l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, la Russie, les EtatsUnis, le Canada et la Chine. Le tableau ci-après donne la répartition dans le monde de quatre principaux producteurs d’iridium de 2016 à 2020. D’après ce tableau, on constate que l’essentiel de l’Iridium mondial est extrait en Afrique du Sud. En plus de posséder la quasi-totalité des réserves mondiales en platinoïdes (91%), l’Afrique du Sud détient des teneurs très intéressantes en iridium puisqu’elle représente en moyenne 8,8% des platinoïdes produits et possède 96% des réserves mondiales d’iridium, soit 1 386 t, loin devant le Zimbabwe (29 t) et la Russie (27 t) (Source InfoMine).

Prix de l’iridium dans le monde

Iridium Price

Il faut noter que la plupart des industries de pointe épuisent aisément leur stock d’iridium avec lequel elles ont créé leurs produits. Ces industries se trouvent alors dans l’obligation de commander le double, voire le triple de leur dernier quota pour des raisons de compétitivité et de demande que les mines produisant de l’iridium parviennent à peine à satisfaire, compte tenu de la rareté de ce métal.

Les demandes, surtout pour les grandes industries, affluent donc auprès des plus grands fournisseurs d’iridium et les prix fluctuent considérablement sur le marché international, en fonction de la demande, comme l’indiquent les tableaux ci-dessous qui fournissent les prix en $ U.S par gramme et par tonne entre 2001 et 2021.

Rappelons que l’iridium est aussi vendu par once (oz) qui généralement vaut 31,1 grammes pour l’or et 12,5 grammes pour l’iridium. Le site InFomine.com indique une baisse du prix de l’iridium en novembre et début décembre 2022 en affichant un prix estimé au 6 décembre à 120,38 euros par gramme, soit $ U.S 131,00/g et $ U.S 131 millions la tonne.

Si le prix de l’iridium a plus que triplé en 2021, c’est en raison de la dépendance de son approvisionnement à une seule zone d’extraction (Afrique du Sud), ont expliqué plusieurs experts. Les perturbations liées à des problèmes techniques au sein du groupe minier sud-africain Anglo American Platinum n’y sont pas non plus étrangères.

L’iridium d’origine extraterrestre

Si on trouve d’infimes quantités d’iridium dans les roches terrestres (0,001 g/t), il se révèle par contre plus abondant (près de cent fois supérieures) dans les météorites anciennes qui sont des fragments rocheux ou métallifères venant de l’espace et atteignant la Terre.

Meteor

La présence plus abondante de l’iridium dans le sous-sol de l’écorce terrestre est un élément essentiel appuyant la théorie d’un impact météoritique responsable de l’existence d’une mince couche d’argile à la limite Crétacé-Tertiaire contenant cet iridium. Cette couche est considérée par les scientifiques comme l’expression d’une des cinq crises biologiques majeures, ayant affecté plusieurs groupes biologiques survenue il y a 65 millions d’années. Cette théorie a fait l’objet d’un article scientifique paru dans la revue Science du 6 juin 1980 sous la plume du physicien Luis Alvarez, de son fils géologue Walter Alvarez, du chimiste nucléaire Frank Asaro et de la chimiste et archéologue Helen Vaughn Michel. Une telle collision a eu à entraîner une conjonction   d’événements catastrophiques et des modifications remarquables sur l’histoire géologique et de la vie sur la Terre.

Première conséquence

La météorite a traversé l’atmosphère terrestre et sa vitesse d’entrée est estimée à une ou deux dizaines de kilomètres par seconde ; la résistance de l’air ayant freiné la météorite dans sa descente a atteint le sol avec une vitesse plus faible. Elle a donc traversé l’espace à la vitesse de 72 000 km/h en se dirigeant vers la Terre peuplée à l’époque par des dinosaures. Elle a produit une énergie estimée entre 1,3 et 58 x 1024 joules. Cette énergie phénoménale correspond à l’énergie qui se produirait suite à l’explosion simultanée de plusieurs milliards de bombes atomiques telles que celles larguées à Hiroshima, au japon, pendant la Seconde Guerre mondiale. Les conséquences de cette collision peuvent encore être comparées à celles produites par un astéroïde dont l’énergie cinétique est approximativement l’équivalent de celle de 108 mégatonnes de trinitrotoluène (TNT).

Deuxième conséquence

La collision de la météorite avec la Terre aurait créé une masse diffuse formant un gigantesque nuage composé de quantités phénoménales de poussières et d’autres éléments, soit quelques 50 000 km 3 de roches projetées dans l’atmosphère sous forme de poussière, de gouttelettes de roches fondues (sphérules) et de micro-diamants. Ce nuage aurait constitué un écran entre la Terre et le Soleil qui aurait ainsi obscurci l’atmosphère terrestre pendant plusieurs années. Ces poussières auraient bloqué les rayons solaires et perturbé le climat et la chaîne alimentaire pendant plusieurs années, entraînant ainsi l’extinction de près de 80 % d’espèces végétales et animales.

Troisième conséquence

Le choc, équivalent à plusieurs milliards de bombes atomiques, serait en partie responsable de l’extinction des dinosaures (hypothèse toujours en discussion).

Quatrième conséquence

La météorite, d’environ 10 km de diamètre, tomba près de l’actuel village de Chicxulub, dans la région qui constitue aujourd’hui la péninsule du Yucatan au Mexique. Sa chute creusa un cratère d’environ 180 km de diamètre et de 12 km de profondeur et a dû anéantir immédiatement toute vie sur plusieurs milliers de kilomètres carrés autour du site d’impact.

Cinquième conséquence

La limite K-T, marquant la frontière temporelle entre les ères du Secondaire (période du Crétacé) et du Tertiaire (période du Paléogène), a été observée au début par une fine couche d’argile déposée ou sédimentée en deux points de l’Europe : l’Italie et le Danemark. Découverte de la couche limite K/T à travers autres points du globe Si l’Italie et le Danemark furent les premiers pays où la couche limite K/T a été observée par Alvarez  pour appuyer la thèse de la collision, les scientifiques ont par la suite découvert la présence de cette mince couche d’argile dans plusieurs autres points du globe, à savoir : – à Raton passe dans le Colorado, le long de l’autoroute 25 ; – sur la plage d’Erretegia à Bidart dans les Pyrénnées Atlantiques ; – dans les flyshs de Zumania en Espagne – sur le site d’El Kef en Tunisie, dans la région d’Oued Mallègue. Sur le globe, la limite K-T est reconnue et étudiée sur une centaine de sites.

Parmi les plus connus, citons : · El Kef (Tunisie) · Stevns Klint (Danemark) · Gubbio (Italie) · Caravaca (Espagne) · Bidart (France) · Mexique · Haïti · Cuba, etc.

L’iridium en Haïti : mythe ou réalité ?

On ne peut pas parler d’iridium et de la couche limite K-Pg en Haïti sans évoquer notre compatriote, le Dr Florentin Maurrasse (aujourd’hui retraité en Floride), professeur au Département des Sciences de la Terre et de l’Environnement à l’Université Internationale de Floride (FIU), spécialiste en stratigraphie-paléontologie. Nous profitons de cette publication pour rendre un hommage bien mérité à cet illustre scientifique haïtien qui a beaucoup œuvré pour l’enseignement de la géologie aux Etats-Unis d’Amérique et la connaissance des formations géologiques d’Haïti. Il peut être considéré comme le « père » de l’iridium en Haïti et il est la principale autorité scientifique haïtienne à pouvoir parler avec assurance et compétence de la couche limite K-Pg d’origine météoritique initiée par Alvarez et al. Lors de ces multiples missions d’études géologiques en Haïti, le professeur Maurasse a découvert dans le Sud-Est, près de Jacmel, une formation géologique qu’il a dénommée « Formation de Beloc », située sur la route Carrefour Dufort/Jacmel. Cette Formation d’une épaisseur d’environ 150 mètres est constituée d’une série de couches stratifiées s’étendant du Maastrichtien (Crétacé supérieur) au Danien (Paléocène inférieur).

Des passées de turbidites volcaniques (sédiments détritiques déposés en une fois par un courant de turbidité) ont été observées vers les 40 à 50 m de la base de la Formation à proximité de la limite biostratigraphique CrétacéTertiaire (voir figure ci-après). Cette couche de turbidites paraissait avoir pour Maurrasse toutes les caractéristiques de la couche limite K-Pg décrite par les Alvarez.

L’annonce de la découverte du site de Beloc en Haïti a suscité une quantité importante de travaux géologiques qui ont servi depuis à appuyer la théorie de l’impact de la météorite sur la Terre il y a 65 millions d’années. En 2004, le Dr Florentin Maurrasse et al. a publié un article intitulé « Spatial and Temporal variations of the Haitian K/T Boundary record : implications concerning the event or events» sur la couche limite de Beloc dans la revue spécialisée « Journal of Iberian Geology ». Dans cet article, Il a fait mention des sites où les affleurements de la couche KPg ont été repérés, des détails stratigraphiques relatifs au stratotype de Beloc et de la variation du taux d’iridium contenu dans ce stratotype.

Article publié par la direction générale des mines

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