Haïti : Le Conseil Présidentiel de Transition face à l’échéance du 7 février 2026

Haïti : Le Conseil Présidentiel de Transition face à l’échéance du 7 février 2026

PIERRE R. RAYMOND
BOUKAN NEWS, 10/13/2025 – Dix-huit mois après sa création, le Conseil présidentiel de transition (CPT) semble incapable de tenir les promesses de l’accord du 3 avril 2024. À l’approche du 7 février 2026, date butoir de son mandat, la population et la diaspora s’interrogent : que restera-t-il de cette transition annoncée comme un espoir national ?
 Un mandat né de la promesse d’un renouveau
En avril 2024, l’accord du 3 avril, soutenu par la communauté internationale et divers acteurs des secteurs privés et politiques, a donné naissance au Conseil présidentiel de transition (CPT). Sa mission : rétablir la sécurité, organiser des élections crédibles, réviser la Constitution et redonner confiance à un peuple exsangue. L’échéance était claire : le 7 février 2026, date à laquelle le pouvoir devait passer à un gouvernement élu.
Mais dix-huit mois plus tard, la transition promise s’est muée en désillusion. Le pays s’enfonce dans une crise sans précédent, où la peur, la faim et la corruption tiennent lieu de quotidien.
Haïti en lambeaux, le CPT absent
Les chiffres sont implacables : 1,5 million de déplacés internes, 5,5 millions de personnes en insécurité alimentaire sévère, des milliers de morts et de disparus, des écoles transformées en camps de fortune, des quartiers entiers sous le contrôle de gangs armés.
Face à cette tragédie, le CPT et ses acteurs multiplient les déclarations sans lendemain. Chaque massacre est suivi d’un communiqué, chaque flambée de violence d’une promesse. Pendant que la nation pleure, le pouvoir s’autocongratule dans les salons diplomatiques, dépensant des sommes exorbitantes pour des missions sans impact.
Des promesses électorales irréalistes
En juin 2025, le CPT annonçait des élections générales pour novembre 2025, suivies d’un second tour en janvier 2026. Un calendrier applaudi à l’étranger, mais jugé irréaliste par la société civile et la diaspora. Comment tenir un scrutin quand plus de la moitié du territoire est occupée par des groupes armés ? Comment assurer la sécurité des électeurs alors que les commissariats sont détruits et les tribunaux fermés ?
Les promesses du CPT apparaissent désormais comme de belles phrases sur fond de cendres et de ruines.
 Un échec collectif : CPT, classes civilo-politiques et communauté internationale
L’échec pressenti du CPT ne peut être dissocié de la responsabilité des classes civilo-politiques et de la communauté internationale qui l’ont créé. Ces acteurs, architectes de l’accord du 3 avril 2024, partagent le poids de cette dérive institutionnelle. La classe politique haïtienne, fragmentée et opportuniste, a préféré les calculs partisans à l’intérêt national. Quant à la communauté internationale, son soutien s’est souvent limité à des déclarations de principe, sans accompagnement concret ni mécanismes de redevabilité.
Cette complicité tacite a permis au CPT de s’installer dans l’immobilisme, protégé par ceux-là mêmes qui auraient dû exiger des résultats. L’échec du Conseil est donc aussi celui de ses parrains, qui doivent aujourd’hui assumer leur part de responsabilité dans cette tragédie nationale.
 Dix-huit mois de dérive institutionnelle
Les Haïtiens n’attendent plus rien d’un Conseil qui s’est enfermé dans le silence. Les rares décisions prises sont floues, contradictoires, parfois douteuses. Les accusations de corruption, de favoritisme et d’inefficacité se multiplient. Le peuple, las, ne croit plus ni aux discours, ni aux institutions.
« Le CPT et les acteurs nationaux et internationaux sont complices — parce que se taire, c’est consentir », confie une vendeuse à un média en ligne, la voix brisée. « Pendant que nous mourons, ils se battent pour des fauteuils. »
L’heure de vérité : agir ou partir
À quelques mois du 7 février 2026, le CPT n’a plus le luxe du temps. Sa seule chance de sauver un semblant d’honneur passe par des actions immédiates : garantir des couloirs humanitaires sécurisés avec un appui sincère de l’international ; publier un audit public complet des dépenses depuis avril 2024 ; mettre en place une force conjointe de sécurisation électorale ; ouvrir le vote et l’inscription à la diaspora, moteur légitime de la démocratie haïtienne ; établir un calendrier électoral réaliste, tenant compte des zones pacifiées.
Si le CPT échoue, il devra se retirer le 7 février 2026, laissant place à un comité technique de transition, sous supervision de la communauté internationale et de la diaspora. Tout prolongement au-delà de cette date serait une trahison morale et politique.
 Le cri d’une génération abandonnée
« Papa, qu’avez-vous fait pendant ces dix-huit mois ? J’ai vu des enfants armés, des écoles brûlées, des quartiers désertés. Pourquoi m’avez-vous fait quitter mon pays ? »
Ce cri résonne comme celui de toute une génération abandonnée. Il s’adresse à ceux qui ont préféré l’inaction au courage, la parole au geste. Le 7 février 2026 ne doit pas devenir un simple délai administratif, mais le point de rupture entre la honte et le sursaut national.
Car l’histoire ne retiendra pas les discours — elle retiendra les actes.
 Repères chronologiques
3 avril 2024
 : Signature de l’accord de transition et création du CPT.
Avril 2024 – octobre 2025** : Explosion de la violence des gangs, multiplication des massacres.
Juin 2025: Annonce du calendrier électoral (novembre 2025 – janvier 2026).
7 février 2026: Fin prévue du mandat du CPT selon l’accord du 3 avril.
Février 2026 et après : Risque de vide institutionnel si aucun scrutin n’est tenu.
Pierre R. Raymond 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *