Haïti : Otage d’une Classe Politique Caméléon et Complice

BOUKAN NEWS, 11/07/2025 – Depuis plus de trente ans, Haïti s’enlise dans une crise multiforme, prise en otage par une classe politique qualifiée à juste titre de « caméléon ». Ces politiciens, maîtres dans l’art du retournement de veste, modifient discours, alliances et postures à chaque alternance, dans une logique de survie politique façonnée au fil des décennies. Après avoir contribué, sous l’impulsion des puissances impérialistes, à la chute de la dynastie des Duvalier, ils ont vendu au peuple une démocratie prétendument porteuse de changement socio-politique et économique. Or, ce changement promis reste à ce jour une illusion douloureuse.
Ce cycle politique trompeur a engendré de nombreuses victimes, parmi lesquelles des figures comme le Professeur Leslie François MANIGAT, le Dr Jean-Bertrand ARISTIDE, Michel MARTELLY et le feu Président Jovenel MOÏSE. Depuis l’assassinat tragique de ce dernier en 2021, Haïti est plongée dans un scénario inédit et chaotique, où le peuple reste spectateur impuissant d’un pays à la dérive. La question demeure : en sortira-t-on un jour ?
Analyse de la Situation :
La majorité de ces dirigeants, souvent perçus comme agents de l’international, entament leurs mandats avec des discours séduisants, pleins de promesses de réformes et d’espoir pour un avenir meilleur. Une fois au pouvoir, ils se détournent de leurs engagements initiaux pour défendre prioritairement leurs intérêts personnels et ceux de leurs cercles restreints.
À l’exception notable du Président MANIGAT, qui n’a pas eu le temps de faire valoir sa vision, la plupart se sont révélés être les exécutants d’un ordre mondial hostile, déguisé en allié de la première république noire. Ils ont patiemment mis en place un système mafieux où la manipulation des institutions et la division du tissu social assurent leur maintien au pouvoir.
Les élections, dans ce contexte, sont devenues des mises en scène : truquées, orchestrées, parfois violentes, elles servent surtout à légitimer une gouvernance déjà prédéterminée. Hormis les élections de 1990, menées sous la gouvernance exemplaire du juge Ertha Pascal-TROUILLOT, tous les autres scrutins ont servi à perpétuer un régime de corruption et de mauvaise gouvernance.
Conséquemment, l’instabilité politique chronique, la corruption endémique et l’impunité généralisée ont des conséquences désastreuses sur la population. L’accès aux services essentiels est quasi inexistant. La pauvreté atteint des sommets inégalés. L’insécurité, gangrénée par l’inaction complice des autorités, s’est installée durablement. Et pendant que le peuple souffre, tout le monde regarde, résigné, paralysé. Une absurdité qui frise l’indécence.
Comme le disait le feu Président MANIGAT : « Pourquoi voulons-nous rester esclaves dans un monde où même ce discours dépasse les frontières ? »
L’Appel à la Jeunesse et au Renouveau
Il est plus que temps que le peuple – et en particulier la jeunesse sérieuse, compétente et engagée – se lève pour rompre ce cycle infernal. Ce n’est pas à ceux qui cherchent à instrumentaliser la politique pour une notoriété éphémère que revient cette tâche, mais bien à ceux qui, armés de principes, de savoir et de courage, veulent bâtir une nation nouvelle.
Il faut revendiquer un avenir où les promesses politiques deviennent des actions concrètes, où les institutions retrouvent leur fonction républicaine, et où la justice sociale devient réalité.
Les réformes nécessaires:
Une insurrection pacifique et citoyenne pour exiger : des élections libres, honnêtes et transparentes, la fin de la corruption à tous les niveaux de l’État et le rétablissement des institutions démocratiques.
Des réformes structurelles urgentes :
Uniformiser et renforcer les organes de contrôle financier (ULCC, UCREF, IGF), redéfinir les missions de la DCPJ et des institutions judiciaires, redynamiser la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA), mettre en place un Conseil Électoral Permanent, indépendant et représentatif et Créer enfin un Conseil Constitutionnel, garant de l’État de droit.
Le peuple haïtien doit brandir un “carton rouge” à cette classe politique caméléon. Il est temps pour eux de quitter le terrain, de céder la place à une nouvelle génération de leaders intègres, conscients des enjeux et véritablement engagés pour le bien commun.
Haïti mérite mieux. Elle mérite d’être dirigée avec dignité, compétence et loyauté. Elle mérite une jeunesse éclairée, responsable et patriote, prête à transformer cette terre meurtrie en une nation forte, libre et prospère.
Telle doit être l’expression du moment. Telle doit être notre lutte.
Emmanuel B. Montas, politologue





