UN SURPRENANT DISCOURS DE FAUSTIN SOULOUQUE

UN SURPRENANT DISCOURS DE FAUSTIN SOULOUQUE
Par Antonio Rival
 “Au commencement était la parole, et la parole était avec Dieu et la parole était Dieu…Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle”, dit la Bible. Et, depuis que l’homme a commencé à vivre en société, et dans quelle que soit la branche d’activité, la communication a toujours joué un rôle capital dans les entreprises humaines.
          Concernant la pratique de la politique, de l’Antiquité à nos jours, la maîtrise de la communication par les leaders et/ ou les hommes et femmes d’État, est une arme extrêmement importante. Ce n’est pas sans raison, entre autres, que Périclès, Cicéron, Démosthène, Mirabeau, Jules César, Winston Churchill, Gandhi, Charles de Gaulle, Ronald Reagan, Barack Obama (à l’étranger), Boirond-Tonnerre, Lysius F. Salomon, Demesvar Délorme, Anténor Firmin, Sténio Vincent, Daniel Fignolé, Émile Saint-Lot, Roger Lafontant, Jean-Bertrand Aristide ( chez- nous ) sont réputés pour être de grands orateurs et, pour la plupart, des leaders charismatiques incontestés.
          Parmi tous les personnages cités, celui dont un modèle de discours est passé, de façon proverbiale, à la postérité, est Jules César. Référence est faite, selon l’historien romain Plutarque, à l’expression de trois mots figurant dans son rapport au Sénat romain après sa victoire rapide et facile face à Pharnace II, roi du Pont (Asie Mineure), en 47 av. J.C : Vini, Vidi, Vici ( Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu).

Jules César (Photo: Poster Lounge)
          Or, il se trouve que le même exploit oratoire de Jules César a été répété à travers l’histoire d’Haïti. Cet exploit fut l’œuvre du Président Faustin Soulouque qui transformera son titre présidentiel en celui d’Empereur Faustin 1er. Et comment ?
          Selon la petite histoire et suivant une anecdote de l’historien Alain Turnier, nous étions en mars 1847 quand l’événement se produisit. Le Président Jean-Baptiste Riché venait de mourir.  Le choix des faiseurs de présidents de doublure était porté sur le Général Soulouque, chef de la garde du palais, ceci en fonction du bas niveau intellectuel et du caractère effacé du général.

Faustin Soulouque
           Malgré les avertissements de l’autocrate en devenir (« Je saurai me conduire en chef.”, “Je ne me laisserai pas changer comme on change de chemise.»), on continuait à le prendre pour une marionnette, après son élection (au second degré). Mais, à la première réunion dominicale et traditionnelle de Cabinet organisée au palais, et longtemps avant la terrible journée du dimanche 9 avril 1848 au cours de laquelle beaucoup de Mulâtres, partisans de la politique de doublure, ont été massacrés, il allait montrer, à travers un discours bien articulé, ce que cachait son caractère effacé.
          Comme on devait s’y attendre, la réunion débuta en mode politique de doublure. Le nouveau président ne fut pas consulté par rapport à l’ordre du jour. Un ministre, ancien membre du Cabinet Riché, se mit debout en présentant le programme du nouveau gouvernement. Et illico, le Général- Président se leva, à son tour, en interrompant son ministre, en ces termes:
<<- Kiyès ki te fout di nou sa m vle?
> – Se mwen menm sèl ki konnen sa m vle.
> – Se lè m va vle m a di nou sa m vle! >>
Et il abandonna la salle en laissant tout le monde figé dans la surprise.
          Comme on vient de le voir, Soulouque, sans avoir effectué des études classiques, fit preuve d’une grande logique en prononçant son discours improvisé. Il fut concis en l’introduisant, en le développant et en le concluant. Ce faisant, il s’était hissé à la dimension de l’auteur de la Guerre des Gaules ( Jules César, bien sûr ) qui était très calé en rhétorique.
Antonio RIVAL

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