Haïti : le chaos silencieux – Le processus de somalisation !

Note introductive sur la Somalie. Sa pertinence pour Haïti:
Boukan News, 09/01/2023 – Une année de guerre entre la Somalie et l’Éthiopie (1977-78) suffisait pour détruire tout un pays et répandre l’instabilité dans toute la région.

Après le coup d’État de 1991 qui renversa le général Mohamed Siad Barre du pouvoir, le conflit était devenu inévitable. La guerre civile, attendue depuis longtemps, a été éclaté, mais déclenchée par l’Éthiopie, le pays voisin. Le gouvernement d’Addis-Abeba finança de nombreux petits groupes de voyous armés pour déstabiliser la population. Brusquement, la Somalie cessa d’être un État et existe sans un gouvernement central. La Somalie ne correspondait plus à la définition des Nations Unies d’un état, c’est-à-dire « groupe de personnes ayant acquis une reconnaissance internationale en tant que pays indépendant et qui ont une population, une langue commune et un territoire distinct défini ». En fait, le gouvernement et l’État somaliens avaient cessé d’exister. Il était devenu impossible pour les spécialistes du droit international d’approuver la Somalie comme un État à part entière.
La Somalie était dirigée par 5 gangs qui la divisaient entre eux. Le concept de gouvernement central a été remplacé par un cadre de voyous armés. Tous les 40 kilomètres, un chef de guerre agissait dans le seul intérêt de sa bande, qui s’intégrait dans un groupe beaucoup plus large.
Les conséquences ne tardèrent à exploser à la face du monde. En 1992, après le bilan de 300 000 morts, les Nations Unies, soutenues par les Etats-Unis, avaient porté ce qui reste comme gouvernement à prendre des mesures pour mettre un terme à cette folie furieuse. Ils avaient créé « l’Opération des Nations Unies en Somalie ; ONUSOM I ». Le but de cette mission était de faciliter l’aide humanitaire et de garantir la longévité du cessez-le-feu signé entre plusieurs fractions armées.
Avant cela, les seigneurs de la guerre détournaient l’aide humanitaire, les acheminaient vers leurs partisans et les échangeaient avec les pays voisins contre des armes et des munitions. Ils utilisèrent cette aide pour maintenir une relation solide entre la population locale et leur cause. Cela créa une condition favorable aux chefs de guerre sur le terrain, lorsqu’ils avaient déclaré les soldats de l’ONU « Persona Non-Grata » sous un feu nourri à Mogadiscio.
La guerre civile fit plus de 500 000 Somaliens, plus de 2 millions de réfugiés, 2 hélicoptères « Blackhawk » américains furent abattus et les États-Unis ont perdu à eux seuls 18 soldats. Le Pakistan et l’Inde ont également perdu des dizaines de soldats.
Jusqu’en 2018, la Somalie était toujours au bord du gouffre. Mogadiscio, la capitale, est restée sous les feux nourris des hommes armés. Le 14 octobre 2018, « un camion chargé de bombes a explosé dans le centre de Mogadiscio et a tué au moins 358 personnes ».
Au mois de juin 2023, les Nations-Unies publiaient un article sous le titre : « La Somalie risque de perdre des acquis durement acquis, selon le Conseil de sécurité », on peut lire là-dedans que « Malgré les progrès réalisés dans la lutte contre le terrorisme et dans l’avancement du processus électoral en Somalie, de hauts responsables de l’ONU ont averti jeudi le Conseil de sécurité que des efforts et des financements supplémentaires étaient nécessaires pour faire face à de multiples menaces, allant des chocs climatiques aux vagues de violence dans un contexte de crise alimentaire imminente. »
Donc, 34 ans après le début du chaos somalien, le peuple vit toujours dans la détresse et les Nations Unies ne parviennent pas à apporter la paix et la stabilité aux 17 millions d’hommes, de femmes et d’enfants dont le sort est lié à la Somalie. Haïti évolue rapidement vers le chaos pour devenir la prochaine Somalie d’Amérique. Personne ne fait la remarque.
« Somaliisation », la destruction d’Haïti
Qu’on aime ou déteste Jean Bertrand Aristide, il avait épargné Haïti du processus de « somalisation » qui a détruit tant de pays d’Afrique, tels que : Libéria, Tchad, Libye et Soudan, en acceptant de se retirer du pouvoir le 29 février 2004. Guy Philippe, ancien chef de la police, soutenu par la CIA, avait mené une rébellion armée pour le renverser du pouvoir en 2003. Cela devrait marquer le début de la destruction d’Haïti, mais elle avait été habilement écartée.
Au lendemain du tremblement de terre de 2010
Immédiatement après le tremblement de terre qui coûta la vie à plus de 300 000 personnes en 2010, une autre opportunité de « somalisation » s’était présentée. Le pays était dans un désarroi total, la capitale était détruite à 40 %, et plus d’un million de personnes étaient déplacées ou vivaient sous des tentes dans des conditions très difficiles. La communauté internationale, notamment les Nations Unies et les États-Unis, avait contraint le gouvernement à organiser des élections. Dans cette situation chaotique, le candidat présidentiel le moins qualifié, Michel Martelly, a été trié sur le volet et parachuté au pouvoir par les Clinton, Hillary et Bill.
Il était clair que placer un homme ignorant et inexpérimenté au pouvoir, comme Michel Martelly, créerait de fortes tensions. Aujourd’hui, voici la

réalité : le pays s’effondre, tant sur le plan politique, social qu’économique. Les gangs contrôlent plus de 60% de la capitale du pays, Port-au-Prince !

Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, ressemble à Mogadiscio en 1991. Voici la configuration du nouveau « Wild Wild West », au cœur des Amériques. Le sud de la capitale est dirigé par 3 grands seigneurs de guerre : Tilapli à « Gran Ravine », « Baz Pilat » au milieu et Izo au nord-ouest de la ville.
Le nord est sous le contrôle des groupes unifiés de gangs : G-9 et G-pep, et le sud-ouest est sous le contrôle d’un autre groupe dont le leader n’est pas encore identifié.
Arnel Joseph, un ancien chef de guerre de « Gran Ravine » qui a été tué par la police au mois de février 2021, avait déjà fait une audacieuse incursion, lorsqu’il ouvra un autre front criminel dans le département de l’Artibonite. Le plan était d’étendre son emprise sur un territoire beaucoup plus vaste en dehors de la capitale qu’il pouvait utiliser comme une zone de repli.
Désormais, une bonne cette région stratégique pour le pays, elle produit beaucoup de produits alimentaires, est sous le contrôle d’un puissant groupe armée qui force des policiers à abandonner leur caserne en catastrophe. Ils prennent rapidement possession de cette zone, maintenant ce sont eux qui font la loi en se décernant un « permis de tuer » sur la vie de ses 160.000 habitants.
Le parallèle est évident. Les gangs sont mieux équipés que les forces de police nationales. Ils disposent de meilleures armes (M-16, Galil, Kalachnikov, T65), de nombreux camions et voitures, et certaines armes sont toutes neuves. Ce n’est un secret pour personne que le gouvernement fournit des armes, des munitions et de l’argent à ces groupes armés. Ils l’avaient ouvertement admis. Il y a une station de radio appelée « Radio Mega », Luco Désir, un présentateur très populaire qui interviewait l’ancien chef de guerre Arnel Joseph. Il avait admis avoir reçu le soutien de certains responsables du gouvernement haïtien. Le 24 avril 2019, un ancien procureur de la capitale, Danton Léger, déclara que le président d’Haïti, M. Jovenel Moïse, envoyait 100 000 $ à Arnel via les offices du sénateur Gracia Delva.
L’ancien président de la commission de justice et sécurité du Sénat, le sénateur Jean Renel Senatus, informa la presse le 23 mai 2019, qu’après une enquête de sa commission, on avait trouvé le numéro de téléphone de Mr Gracia Delva inscrit dans l’appareil téléphonique d’Arnel. Et ils étaient fréquemment en contact, soit 24 fois du 7 au 17 février. Bien entendu, le sénateur avait tout nié.
Revenons à la capitale d’Haïti. Port-au-Prince est déserte après 18 heures. La population est prise en otage dans leurs propres maisons. S’il y a une urgence au milieu de la nuit, personne ne s’aventurera dans la rue pour se rendre à l’hôpital. Car, les gangs prennent le contrôle total de la capitale tous les soirs.

Le 13 novembre 2018, un massacre avait eu lieu dans un bidonville appelé « Lasaline ». Le RNDDH, une organisation de défense des droits humains, a publié un rapport d’enquête faisant état de 70 personnes tuées et de nombreuses maisons incendiées. Des vidéos ont été publiées sur les réseaux sociaux montrant des animaux mangeant les cadavres des personnes. Les Nations Unies ont été contraintes d’enquêter sur cette affaire et corroboraient les résultats des organisations de défense des droits de l’homme. Les groupes armés ont utilisé des fusils et des machettes pour attaquer les gens et incendié leurs maisons. Certains des assaillants portaient des uniformes de la police nationale.
Certaines personnes pensent que les gangs sont un outil utilisé par le gouvernement pour intimider et réprimer la population. Concrètement, les hommes armés créent une situation de tension permanente dans les principaux bidonvilles du pays en tirant constamment en l’air. C’est le cas de « Carrefour-Feuilles », une zone réputée pour son attachement au combat pour la démocratie. Aujourd’hui, d’après les dernières informations, Carrefour-Feuilles est vidé de 85% de ses habitants. Ils sont contraints de se réfugier dans des écoles, et d’autres bâtiments de grandes capacités d’accueil. Certains d’entre eux s’abritent sous des tentes au Champ-de-Mars en espérant des actions étatiques.
On m’a appris hier que les gangs armés investissent toute la zone, on les voit à la rue Edmond Paul. D’ailleurs, ils étaient déjà en contrôle de « Portail Léogâne », les rues autour du stade « Sylvio Cator » …Derrière le cimetière, on ne trouve presque plus de personnes, c’est un désert. Finalement, le palais national est presqu’encerclé. C’est possible que les gangs en prennent possession aussi dans les jours qui viennent !
Jeff, le terrible chef du gang « Talibans », a massacré plusieurs dizaines de fidèles de l’église du pasteur Marcorel Zidor, après que ce dernier les a irresponsablement invités à s’en prendre aux hommes armés De canaan avec des pierres et des bâtons. Après la boucherie, le chef de gang enregistrait plusieurs vidéos pour justifier se justifier et présenter une innocente image de sa personne. Finalement, Jeff a procédé à la libération des personnes qu’il avait séquestrées pendant 24 heures. Cependant, les images de personnes brulées vifs resteront éternellement graver dans la mémoire de tout homme et toute femme qui conservent encore un peu d’humanité.
Les dirigeants de l’État, accusés de complicité avec les gangs, de façon sans vergogne se lavent les mains comme « Ponce Pilate » de la Bible. Ils attendent l’arrivée des troupes militaires venues du Kenya et d’autres minuscules états des caraïbes. Entretemps, les hommes armés de « Tilapli » exécutent des citoyens tout en brûlant leurs cadavres, ils incendient les maisons après les avoir pillés, chassent les policiers de leurs postes et en prennent possession, puis mirent le feu.
La population haïtienne vit dans des conditions sociales et économiques épouvantables. Avec moins de 2 dollars par jour, pas d’électricité, pas d’eau potable, pas d’emplois, pas de système de santé ; ils vivent avec pratiquement rien. Le gouvernement corrompu ne fait qu’aggraver la situation de la population lorsqu’il décide d’utiliser les seigneurs de la guerre pour les intimider et les tuer. Loin de la presse internationale, la population absorbe silencieusement sa misère. Parce qu’Haïti n’est pas le Venezuela, l’administration américaine soutient actuellement le processus de « somalisation » d’Haïti en soutenant un gouvernement corrompu qui terrorise sa propre population. Le chaos continue. Le processus de somalisation d’Haïti connaît un développement rapide.
Le chaos continue !
Joel Leon