Haïti : enfin, la guerre civile ! 

Haïti : enfin, la guerre civile ! 

Joel Leon

Boukan News, 02/05/2024 – Voici la réalité du moment. L’opposition, sévèrement fragmentée, se fourbir leurs armes pour affronter le gouvernement disgracieux. Celui-ci, avec le soutien de l’international, a déjà pris toutes les mesures pour faire échec à l’agenda de ses adversaires politiques. Le rendez-vous avec la violence est confirmé, le pire c’est qu’on a même fixé une date pour débuter les hostilités, du 5 au 7 février !

Alors qu’on venait d’assassiner le président Jovenel Moïse, chez lui, le 7 juillet 2021, il y a moins de 3 ans. On s’apprête à brûler la cervelle du premier ministre s’il se néglige. Les appels aux meurtres pleuvent comme des gouttes de pluie. Ils viennent de partout, même chez les secteurs et groupes organisés de la société. En diaspora, c’est le même scénario, il faut tuer monsieur ou madame, on cite des noms à passer à l’infinitif. C’est la folie furieuse. Le pays est transformé en un vaste repère de gangs. Définitivement, Izo/Tilapli/Lanmò sanjou/Barbecue…ont bel et bien fait école !

Cette étrange situation nous renvoie aux événements de 2003-2004 qui se soldèrent par le boycottage de la célébration du bicentenaire de l’indépendance nationale. La guerre civile a été évitée de peu. « Qu’on aime ou déteste Jean Bertrand Aristide, il avait épargné Haïti du processus de la guerre civile qui a détruit tant de pays d’Afrique, tels que : Somalie, Libéria, Tchad, Libye, Soudan…en acceptant de se retirer du pouvoir le 29 février 2004, mais non sans l’aide d’une forte escorte de l’armée américaine. Guy Philippe, ancien chef de la police, soutenu par la CIA et le secteur mafieux des affaires, avait mené une rébellion armée pour le renverser du pouvoir depuis l’année 2003. Cela devrait marquer le début de la destruction d’Haïti, mais elle avait été habilement écartée de justesse. » 20 ans après, ce même Guy Philippe revient à la charge après avoir purgé une peine de six ans en prison. Le très impopulaire Ariel Henry n’est pas Jean B. Aristide, il a fait le choix de se battre. En s’accommodant pour délivrer une quotité de violence à la magnitude comparable à celle de l’opposition !

Le neuroscientifique et PHD auteur, Mr R Douglas Field, invitait « l’homo sapiens » à se regarder dans un miroir à travers cet excellent article titré : « Les humains sont génétiquement prédisposés à s’entre-tuer ». Il a brillamment démontré la violence du caractère humain :« Prenez du recul et observez notre espèce objectivement de l’extérieur, de la même manière qu’un zoologiste observerait attentivement n’importe quel autre animal, ou nous verrait de la même manière que toute autre créature perçoit les êtres humains. La réalité brutale ne pourrait être plus évidente ni plus horrible. Nous sommes les tueurs les plus implacables et les plus inconscients de la planète. » Cela dit beaucoup, le peuple haïtien est l’un des champions dans cet exercice fratricide !

 « La guerre civile, une option dramatique », dans ce livre, Roger Gaillard narrait la déroute d’Anténor Firmin face au général Nord Alexis. Ce qui conduisit le pays droit vers l’occupation américaine de 19 ans, sortie de 1915 à 1934. J’ai évoqué cette époque pour vous dire que la guerre civile a toujours fait de graves torts au pays. Pourtant, on pensait que c’était a jamais fini l’époque de « La société des baïonnettes », surtout après le départ de Jean Claude Duvalier en 1986. C’était une mauvaise compréhension de l’histoire de notre république dans sa formation sociale, politique et culturelle. Les mêmes vieux démons n’ont jamais cessé de revenir pour saper tout processus de développement économique et de progrès social du pays afin de ne plus pouvoir jouer son rôle historique de faiseur d’histoire.

Aujourd’hui, comme un « sitting duck », le peuple attend patiemment sa violente mort prématurée par des groupes politiques disparates obsédés par « le pouvoir pour le pouvoir ». Ce comportement violent, indigne des fils et filles d’une nation, constitue le plus grand obstacle au changement. Puisqu’il est le redoutable ennemi de la stabilité, de la cohésion sociale et de l’émancipation humaine. Ce qui rend difficile aux experts en sciences sociales et en humanité de considérer Haïti comme une nation à part entière !

Comme je le disais au cours d’une émission de radio, « Une nation arrive à maturité quand elle est divorcée avec l’enfantillage. Lorsque ses élites nationales aboutissent à la prédisposition de pratiquer le sens de la mesure. Spécialement en temps de crise, quand la nation doit anticiper l’hecatombe, s’émanciper, se raccommoder et se réinventer dans l’intérêt exclusif des générations à venir. Cette posture est perçue comme une dette indiscutable envers la république à laquelle on ne peut se soustraire. C’est ce qui garantit l’éternité d’une grande nation ». Nous sommes loin de là, très loin de ce concept qui priorise toujours la république en tout et contre tout !

R. Douglas Field, nous gratifie encore une approche historique beaucoup plus profonde dans son livre « Why We Snap», il énumère et expose avec une illumination étonnante les comportements violents des hommes. Il étale ses réflexions sans langue de bois ni « filter », ni relégation, en déclarant que : « Notre violence opère bien au-delà des limites de toute autre espèce. Les êtres humains tuent n’importe quoi. L’abattage est un comportement déterminant de notre espèce. Nous tuons toutes les autres créatures et nous tuons les nôtres ».En revanche, dans d’autres pays la violence n’est pas un frein au bien-être de leurs citoyens et citoyennes. Les dirigeants d’État parviennent à la canaliser productivement à travers les forces armées, la police, les services d’intelligence…aidant à prévenir leur prééminence.

En Haïti, nous nous tuons quotidiennement et ceci par tous les moyens. Nous détruisons l’environnement, l’espoir, la décence, le futur…Le pire, nous nous complaisons dans ces pratiques violentes. Nous justifions la violence. Nous l’acclamons et vénérons ses résultats.

Ce qui inquiète, même les individus les plus pensants de la société haïtienne recourent à la violence à chaque moment qu’ils font face à un défi. Je comprends que la république d’Haïti a pris naissance dans et par une violence inouïe le 18 novembre 1803. Les principaux protagonistes de cette violence libératrice s’entretuèrent deux ans après, incluant Jean Jacques Dessalines, le chef de la sanglante révolution. Cependant, la violence systématique condamne tout le peuple haïtien dans la misère, le sous-développement, l’inhumanité…Car, on ne dirige pas avec la violence, mais avec des idées.

Au 21e siècle, comme dans l’antiquité, Guy Philippe appelle Ariel Henry en duel. À la différence, il s’agit d’une confrontation collective et on utilise des armes de guerre pour s’affronter. Les victimes ne seront, probablement, ni Guy Philippe, ni Ariel Henry, mais toute une innocente population. Il semble qu’il n’y ait plus de voix raisonnables dans le pays. Où sont passés les prélats des églises catholiques, les pasteurs protestants, les prêtres vaudou, les notables de la république…Sont-ils tous devenus fous ?

Finalement, il ne me reste plus rien à dire : « Que la volonté du Dieu tout-puissant soit faite ! »

Joel Leon

One comment

  1. Dans tous les cas, mon grand, le roi Henri semble gagner la 1ere manche. A l’allure des nouvelles, le petit peuple n’a pa bougé plus que ça. Ka Haiti grav!

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