Drôle de coïncidence : Haïti se désintègre, la République Dominicaine s’intègre !

 

Drôle de coïncidence : Haïti se désintègre, la République Dominicaine s’intègre !

 

Joel Leon

Pennsylvania, USA, 01/07/2022 – La désintégration d’Haïti n’est pas la conséquence d’un hasard. C’est l’enchaînement de la mauvaise gouvernance, de l’ingérence étrangère, de l’incapacité des élites à se redéfinir dans un monde en constante mutation…Le paradoxe, à qui profite une République d’Haïti désintégrée ?

Au cours des années 1950 et 1960, Haïti recevait plus de touristes dans la région, à l’exception de Cuba. Quand François Duvalier arriva au pouvoir, l’accélération de la tension politique chasse les touristes. A partir de 1971, Jean Claude Duvalier succéda à son père, il réénergisa le secteur touristique. Ainsi, en 1975 les statistiques enregistraient un chiffre de 150.000 touristes qui séjournaient en Haïti au cours de cette année, mais derrière la Dominicanie qui avait déjà dépassé Haïti avec 278.000 visiteurs.

Donc, les sombres événements politiques nés avec l’avènement de François Duvalier au pouvoir en 1957 furent savamment exploités par les voisins dominicains. Paradoxalement, leur pays fut utilisé comme le principal centre qu’utilisaient les dissidents haïtiens pour tenter de stopper la dictature de Duvalier, notamment l’invasion de Leon Cantave en 1963.

Après le renversement de Jean Claude Duvalier en 1986, l’instabilité chronique commença. Désormais, les touristes désertent officiellement Haïti en faveur de la stabilité sociale et politique de la République Dominicaine. Le grand paradoxe, Saint-Domingue est devenu en même temps le lieu privilégié des opposants Haïtiens, gauche ou droite, pour déstabiliser Haïti. Les événements politiques de 2001 à 2004 ont été planifiés majoritairement en République Dominicaine, les réunions et planifications d’actes subversifs et de sabotages de Guy Philippe et d’autres assoiffés de pouvoir furent tous concoctés là-bas, sous la bienveillance des autorités dominicaines.

En 2023, le résultat du sabotage systématique d’Haïti par les Dominicains est alarmant.

Il est vrai que l’embargo décrété contre Haïti de 1991 à 1994, sous la demande de Jean Bertrand Aristide pour accélérer le processus de retour à l’ordre démocratique après le coup d’État contre lui, avait eu un effet contraire au bénéfice des Dominicains. Car, le pays voisin a été fortement utilisé pour contourner l’embargo en approvisionnant le marché local haïtien de tous les produits. L’hypocrisie est que cette pratique a été encouragée par les principaux pays qui avaient eux-mêmes maintenu et soutenu l’embargo contre Haïti.

Avant l’année 1991, l’importation de la république dominicaine était marginale, ne dépassait pas annuellement les 50 millions de dollars. Donc, la mesure punitive, en plus de son inefficacité connue, a été malheureusement un moment fort qui favorisa la dépendance économique accrue d’Haïti à la Dominicanie.

Aujourd’hui, Haïti importe 97.6% de ses produits de base de la République dominicaine, ce qui équivaut à environ 900 millions de dollars. En revanche, l’exportation d’Haïti vers la République dominicaine est totalement insignifiante, soit moins de 3%. Sans omettre de mentionner que le pays accuse un déficit chronique annuel de sa balance commerciale de plus de 3 milliards de dollars.

D’après l’économiste Etzer Emile, avec qui j’avais partagé un panel-bilan sur l’année 2022, Haïti a transféré 600 millions de dollars vers l’étranger. La Dominicanie et les Etats-Unis ont reçu chacun 250.000 millions de dollars, les 100 millions restants sont partagés entre les autres pays.

Ce qui constitue un autre problème majeur, les transferts de la diaspora haïtienne sont redirigés vers la Dominicanie, les Etats-Unis…car, plus de 75.000 étudiants séjournent actuellement là-bas, ces jeunes doivent manger et boire, avoir un espace pour vivre, de l’argent pour s’acheter des matériels scolaires…L’autre conséquence, c’est que les transferts d’argent de la diaspora vers Haïti ont passé de 4 à 3.7 milliards de dollars. Une baisse attendue en fonction de la contraction des activités économiques mondiales, notamment les Etats-Unis…surtout avec la hausse vertigineuse de l’inflation. Donc, la diaspora haïtienne dépense plus pour sa consommation personnelle là où elle réside, cette nouvelle réalité affecte directement les transferts d’argent vers Haïti.

Comme l’avait bien souligné l’économiste Etzer Emile, l’appauvrissement accéléré des classes sociales en Haïti ne fera pas l’affaire des Dominicains.  Car, elles n’auront pas les moyens de consommer, ce qui constitue une forme de contorsion qui affecte la consommation.

En conclusion, la République Dominicaine s’intègre dans la désintégration de la République d’Haïti. Le budget annuel du pays voisin est de 47. 3 milliards de dollars, celui d’Haïti est de 267.5 billions de gourdes, environ 4 billions de dollars. Le PIB de la Dominicanie est de 94.24 milliards de dollars, Haïti 24.94 billions de dollars, c’est-à-dire le revers. La croissance économique de la Dominicanie est de 12.3%, celle d’Haïti est négative de -1.8%. Voilà le résultat numérique palpable de l’instabilité chronique dans laquelle les élites enferment Haïti à travers des coups d’État, des crises politiques récurrentes, de la prolifération des gangs, de la corruption, des ingérences étrangères…

Joel Leon

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