ANTONIO « TROIS BÉBÉS » : UN SUBLIME ADIEU

ANTONIO « TROIS BÉBÉS » : UN SUBLIME ADIEU

Antonio Sonthonax

Boukan News, 06/14/2024 – Antonio Sonthonax a rendu le dernier soupir, le dimanche 26 mai 2024, dans l’État de La Floride
aux États-Unis d’Amérique. C’est avec une profonde émotion que Le Conseil Supérieur de
l’Institution-Septentrional s’acquitte aujourd’hui de ce pénible devoir d’adresser ces quelques
paroles d’adieu à celui qui voua un indéfectible attachement à l’orchestre Septentrional, Entre
North-Miami où il mourut, et son lieu de naissance dans le Département du Nord d’Haïti, Antonio
a vécu sur terre, très exactement, 87 années, puisqu’il naquit, à Ranquitte, le mercredi 26 mai 1937.
ANTONIO « TROIS BÉBÉS »
C’est en 1961 que Luc Leroy, grand entrepreneur de la région, prit en charge le jeune Antonio
à la Grande-Rivière-du-Nord. C’est également à ce moment que débuta la construction de
l’Hôpital de cette ville, avec le besoin d’alimenter le chantier en matériaux de construction.
Luc Leroy, en la circonstance, mit gracieusement ses camions et son temps à contribution.
Voyant l’intérêt de son protégé à la besogne, il lui apprit à conduire ; le jeune apprenti assimila
très vite les instructions du maître et devint, en un temps record, le conducteur d’un de ses
camions, « Ma Brune », qui convoya les matériaux vers le chantier de construction de
l’Hôpital. À la fin des travaux, Antonio acquit de l’expérience et mérita de la confiance de
son mentor qui lui confia, alors, l’un de ses trois camions de transport appelés désormais
« La Trinité », en l’honneur de ses trois fils : Harry, Eddy et Onel Leroy.
« Son exemple est pour nous un précepte excellent.
Soyez plutôt maçon, si c’est votre talent
Ouvrier estimé dans un art nécessaire
Qu’écrivain du commun et poète vulgaire »
Nicolas Despréaux dit « Boileau » (Art Poétique, Chant IV)
Jeune homme sérieux, Antonio passa quelques années plus tard du statut de chauffeur-employé à celui
de chauffeur-propriétaire de son véhicule qu’il baptisa « Trois Bébés » sur le trajet Grand’Rivière –
Cap dans les deux sens. Confiant dans le progrès et la réussite, il entreprit, coup sur coup, la
construction, au Cap-Haïtien, de sa maison de résidence à la Rue 8K, et en parallèle, avec le véhicule
sur la route Cap – Grand’Rivière, il fit l’acquisition d’un autobus plus important en taille, qu’il baptisa
du même nom « Trois Bébés » qui effectua désormais le trajet Cap – Port-au-Prince, et qui n’alla pas
tarder à devenir le Chouchou des Gens du Nord et l’autobus de prédilection affecté aux voyages
incessants des musiciens de l’orchestre Septentrional, du Cap-Haïtien vers Port-au-Prince, vice versa.
ANTONIO « MÉTÉ MEN »
Antonio pensa qu’on finissait toujours, dans la vie, par venir à bout de tout labeur difficile ou
pénible si on y mettait du sien ; qu’il suffisait d’y croire et de s’atteler collectivement à la
tâche ; d’où le slogan qui l’identifia presque : « Mété Men ». Dans la mémoire collective des
capois d’un âge certain, se fredonne encore la voix de notre regretté Michel Tassy qui
scandait : « Antonio Trois Bébés, Mété Men, Mété Men ». Mais, aujourd’hui, Antonio n’est
pas seulement regretté par La Grande Famille-Septentrional, il l’est tout aussi et surtout par
toute La Grande Famille Capoise. En effet, le Cap-Haïtien se souviendra toujours des Trois
Bébés d’Antonio Sonthonax. Dès l’instant où il commença à conduire son autobus sur le trajet
Cap – Port-au-Prince, il gagna la sympathie de ses passagers par sa franchise, la gaieté de son
caractère, son sens de responsabilité et surtout son goût du relationnel. Il ne tarda pas à passer
de l’autobus avec carrosserie artisanale à un autobus moderne avec carrosserie préfabriquée,
en acier. Désormais, le trajet Cap – Port-au-Prince, à bord de Trois Bébés devint une véritable
randonnée : la jovialité avenante de l’hôte, l’animation musicale renouvelée, tout le long du
trajet, avec les derniers enregistrements de l’orchestre Septentrional en priorité et surtout…
toujours le premier à pointer du nez à la Barrière-Bouteille, constituaient les points forts qui
aguichaient la clientèle.
Mais, ce qui ne devait pas arriver, hélas, arriva un après-midi de l’année 1975, quand, comme une
traînée de poudre, la nouvelle se répandit à travers la ville du Cap et le pays tout entier : Phanord,
le conducteur de l’autobus ce jour-là, perdit le contrôle du véhicule qui dévala, en chute libre,
dans le morne Pilboro : sept morts et de nombreux blessés. Ce fut aussi le chant du cygne sur
la carrière de transporteur routier de celui dont nous pleurons la disparition aujourd’hui.
« Antonio, Un Rude Travailleur »
Mais cet accident de la route, aussi fatal fut-il, n’était pas suffisant pour entamer la combativité
d’Antonio, ni sa volonté de poursuivre sur le chemin du labeur et de la persévérance. Il n’abandonna
pas pour autant le métier de transporteur mais cessa de pratiquer la profession par la voie terrestre
pour passer au transport des marchandises par la voie maritime. Il investit dans l’acquisition d’un
navire à faible tonnage, communément appelé « Batiman » dans le langage vernaculaire, et sur lequel
il transporta de la marchandise en provenance de la Floride ; il en importa également pour son propre
compte et on vit assez rapidement le rez-de-chaussée de sa résidence privée de la Rue 8K, se
transformer en entrepôt de denrées alimentaires pour le commerce de gros et une seconde partie
affectée à la vente de produits cosmétiques. Comme pour les mathématiques ou le dessin, on a la
bosse de l’entreprenariat ou on ne l’a pas, Antonio avait la bosse du commerce et ses entreprises
florissaient ; l’achalandage se renouvela à un rythme effréné et la clientèle y trouva son compte.
« La Dernière Ligne Droite »
Comme tout bon citoyen, Antonio Sonthonax avait, à côté de sa vie professionnelle, une vie
privée qu’il gérait en bon père de famille. Il convola en justes noces avec Marie Junia Louis,
la fille d’un collègue camionneur du trajet Cap – Port-au-Prince, Octavius Louis, familièrement
appelé Okta. Antonio fut le père de quatre enfants : Magalie, Antonio Jr, Niño et Kiki. Sa
famille résidait en Floride longtemps déjà pendant que lui, il s’occupait de l’entreprise
commerciale au Cap-Haïtien, avec des séjours répétés aux États-Unis pour accorder de la
présence à la famille, en profiter également pour consulter son médecin, et renouveler ou
compléter l’achalandage de son commerce. Ce fut ainsi jusqu’au début de l’année 2020, quand il
fut pris dans l’engrenage de la pandémie Covid-19 qui l’astreignit aux rigueurs du confinement.
Un malheur, dit-on, ne vient jamais seul ; la santé de son épouse se détériora progressivement
jusqu’à son décès l’année dernière et en parallèle, les fonctions cognitives d’Antonio
dénotèrent progressivement des signes d’inquiétudes de plus en plus fréquents (périodes de
perturbations et d’absences ou d’oublis inquiétants accompagnées d’épisodes fréquents de fugues dont une
dernière qui dura deux longues semaines). Dans les bras de son neveu, Mirtho Sonthonax, avec qui
il partagea son dernier espace domiciliaire, il rendit le dernier soupir, le 26 mai dernier, le jour
même de son 87ème anniversaire de naissance.
Avec sa disparition, Antonio Sonthonax laisse derrière lui, à l’instar des Frères Barbot et Amédée,
ou de : La Ste Famille de l’Ami Baba, La Colombe de Michel François, La Bienveillance
d’Oriol Marcelin, San Salvador de Jean Lavitola Mastroti, La Trinité d’Onel Leroy … comme
une trace lumineuse, qui montre aux autres « camionneurs » du Cap, le chemin à suivre.
« On ne fait rien de grand sans le fanatisme » disait Gustave Flaubert
C’est à cet inconditionnel partisan de l’orchestre Septentrional, et également, à ce fils de la
Cité du Cap-Haïtien, que les membres du Conseil Supérieur (Rochenel Ménélas, Me Wilfrid
Supréna, Pierrot Joachim, Dr Berne Paul, Louis Mercier, Dr Harry Prophète et Wilfrid Tony Hyppolite, le
septentologue) et à travers eux, toute la Famille-Septent, rendent hommage aujourd’hui.
Puisse son âme se recréer dans le Divin Plérôme !
Septent un jour, Septent toujours.
Pour le Conseil Supérieur de l’Institution-Septentrional,
Louis A. Mercier
Chargé des relations publique

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *